Ecrire un livre, les étapes

C'est pas exactement que je souffre d'une grosse crise de flemme, plutôt que le (pardon, la*) covid-19 me déprime (comme tout le monde) et que je n'ai pas l'énergie nécessaire pour ouvrir mon fichier et avancer sur mon manuscrit 😩

Et si je n'avance pas sur mon manuscrit, ben forcément, j'ai pas grand-chose à raconter ici - et je tiens à maintenir ce blog en vie. 

Du coup, je suis allée éplucher mes messages postés sur Quora (parce que plein de gens y posent des questions sur l'écriture, et du haut de ma grande expérience**, je tâche d'y répondre au mieux) afin d'y trouver des trucs qu'il serait intéressant de diffuser ici aussi.

Voici donc ma réponse à la question*** :

Ca peut être très long.

D'abord, il y a la rédaction du texte, ou "premier jet" : c'est la première version, elle sera pleine de fautes (tant sur le fond que sur la forme), et c'est normal.

Ensuite, après avoir laissé reposer le texte plusieurs mois (pour moi, c'est plutôt un an, mais je connais des gens à qui trois mois suffisent), afin de pouvoir prendre du recul, on commence la phase de correction. Afin que ce processus soit efficace, il faut faire intervenir d'autres personnes : les bêta-lecteurs (des "bêta-testeurs de la lecture", quoi). Bref, on commence par faire un passage pour corriger les fautes évidentes (orthographe et grammaire, éventuellement quelques incohérences "faciles" comme un perso qui change de nom ou de couleur d'yeux au milieu du bouquin). Ensuite, on l'envoie aux BL.

Les BL (il en faut toujours plusieurs, au moins trois, à mon avis) peuvent être difficiles à trouver. Les miens viennent de Cocyclics et de l'Atelier perché, deux communautés internet d'auteurs de Littératures de l'Imaginaire. Le mieux est donc qu'ils soient eux-mêmes des auteurs, ou au minimum des lecteurs expérimentés. Et qu'ils connaissent bien le genre de ce que vous écrivez (je n'irai pas forcément confier un polar à un amateur de romance).

Bref, ces BL vont lire votre texte et faire des remarques dessus. Certaines seront objectivement vraies (fautes d'orthographe et grammaire oubliées, par exemple), d'autres plus subjectives, en fonction de leurs goûts. Et entre les deux, il y aura des trucs du genre "la réaction de X n'est pas logique", "ça manque d'action aux deux tiers de l'histoire"… et autres défauts de structure narrative.

Ensuite, vous récupérez leurs retours et vous faites le tri. En gros, si tout le monde vous dit "ça, ça va pas", il y a probablement un problème ; par contre, certains autres points peuvent être plus subjectifs, et c'est à vous de décider si la "faute" signalée mérite d'être traitée ou ignorée. Pour reprendre l'exemple donné ci-dessus : "la réaction de X n'est pas logique" peut vouloir dire exactement ça, ou alors que si, c'est logique, mais vous n'avez pas donné assez d'informations au lecteur pour qu'il voie pourquoi ça l'est, ou encore que c'est volontaire de votre part que la réaction de X soit illogique… mais dans ce cas, il vous manque une justification quelque part pour que, au final, le lecteur puisse se dire "ah, mais c'était voulu, en fait !".

Etape suivante… on remonte en arrière et on redonne la nouvelle version du texte aux BL. Les mêmes ou des nouveaux, je recommanderais un mélange des deux (à la fois pour avoir des retours avec un oeil neuf et pour que ceux qui ont déjà lu le texte puissent étudier les améliorations apportées).

Après, on étudie les retours, et on repart éventuellement dans un nouveau cycle si jamais il y a toujours des trucs qui coincent. Ca peut être un peu décourageant, mais pensez que quand vous soumettrez votre manuscrit à un éditeur, il est rarissime que celui-ci vous réponde "retravaillez-le et réessayez". Dans 99% des cas, un "non" est définitif, et dommage pour vous si votre roman n'était pas prêt.

Une fois que vous aurez jugé votre manuscrit terminé, on passe donc à la phase de soumission auprès des Maisons d'Edition. En France (et en Belgique et Suisse aussi, je crois), on a peu recours à des agents littéraires. Ce n'est pas forcément un bien, mais c'est la réalité des choses. Je ne m'attarderai pas sur ce point, donc, si ce n'est que la soumission à un AL n'est pas très différente de celle à une MdE.

Plusieurs choses à savoir, pour les soumissions aux MdE :

  • Renseignez-vous sur la MdE avant d'envoyer votre texte : est-ce qu'elle accepte des nouveaux manuscrits ? est-ce qu'elle publie le genre de trucs que vous écrivez ? …
  • Respectez le format qu'elle réclame pour les envois. Les MdE reçoivent tellement de manus qu'elles ne feront aucun effort si le vôtre ne respecte pas leurs règles, quand bien même vous seriez le prochain Tolkien.
  • Cf plus haut, dans 99% des cas, le refus est définitif, donc ne vous embêtez pas à envoyer une version 2 si la version 1 a été refusée.
  • Malheureusement, les refus sont rarement détaillés, vous ne saurez pas pourquoi on n'a pas voulu de votre "bébé". Dans quelques rares cas, vous aurez peut-être un "ce n'est pas pour nous, allez voir chez X". Ca peut être encourageant… ou pas, cf ci-dessous :
  • Méfiez-vous du compte d'auteur. Certaines soi-disant MdE vous proposent de payer pour être édité. REFUSEZ. Ne confondez pas non plus compte d'auteur et autoédition : dans le second cas, vous payez tout mais vous conservez tous les bénéfices. Pas dans le premier… (et donc, il arrive que certaines MdE renvoient leurs textes refusés vers des MdE à compte d'auteur, donc prudence).
  • Les délais de réponse peuvent être longs (plusieurs trimestres). Ce n'est pas anormal, surtout dans les petites MdE, qui n'ont pas un gros comité de lecture.
  • Et j'en oublie sûrement…


On va dire que vous avez été accepté quelque part. Vous allez donc signer votre contrat.

Ensuite… félicitations, vous aurez le droit à une nouvelle phase de corrections, qu'on nomme, de façon fort appropriée, "Corrections Editoriales". Ca peut être juste de la typographie, ou des éléments de l'intrigue à modifier ; je ne m'étendrai pas trop dessus, mais sachez que votre éditeur ne fait pas ça pour vous emm… mais parce qu'il juge que ça bénéficiera à votre ouvrage.

Une fois les CE finies, on vous proposera le Bon à Tirer, qui est, en gros, le prototype du bouquin tel qu'il sera publié. Il est souvent fourni de façon numérique, même quand c'est pour une publication papier. Charge à vous de l'examiner sous toutes les coutures à la recherche d'un défaut oublié (coquilles…). Une fois que vous l'aurez validé, c'est parti !

On y est ! Votre roman est prêt, il est publié (en numérique et/ou en papier), et vous le trouverez référencé dans les bases de données appropriées, donc commandable un peu partout, si votre éditeur a respecté son contrat. La disponibilité dans les rayons des librairies etc. n'est pas garantie, en revanche, pour diverses raisons un peu évoquées dans le lien précédent.

Maintenant, à vous les salons et les dédicaces (si votre MdE a les moyens d'en organiser), la fortune (rarissime, 95% des auteurs ne vivent pas de leur plume, et les 5% restants ne roulent généralement pas sur l'or) et la gloire (éventuellement ^^) !



(N'hésitez pas à signaler si j'ai pu oublier quelque chose...)

** Edit 01/01/21** : ajout de liens utiles supplémentaires.



* : selon l'Académie Française, puisque c'est une maladie 🙄

** : je ne dis pas que j'en ai aucune, mais à force de fréquenter des auteurs et des communautés d'écrivains, j'ai quand même acquis pas mal d'XP dans ce domaine 😉

*** : je l'ai un peu remaniée vite fait, mais comme elle s'adressait plutôt au grand public, j'ai détaillé certains concepts que les lecteurs de ce blog connaissent certaiment depuis longtemps 😉

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