Etre ou ne pas être un bêta

J'ai cherché un titre "intelligent", j'ai eu du mal, ça se voit 😳

On va donc parler ici de bêta-lecture, une pratique que je trouve absolument essentielle pour un écrivain, même confirmé* ; je pourrais dire aussi "vous êtes un gros bêta si vous ne voulez pas de bêta" 😛 (ce qui justifie mon titre 😁).


La bêta-lecture, quoi c'est ?**

Vous avez sans doute entendu parler, notamment si vous êtes vous-même (ou fréquentez au moins un) joueur de jeu vidéo, de "bêta-test". C'est ce qui se passe quand les développeurs pensent que le jeu est théoriquement prêt, mais qu'ils n'ont pas testé absolument tous les cas de figure pouvant donner lieu à des bugs.

La bêta-lecture, c'est le même principe : vous avez un texte (une nouvelle, un roman entier ou seulement un extrait), vous pensez que vous avez terminé avec (ou, au contraire, vous voyez un problème mais n'arrivez pas à mettre le doigt dessus) et vous vous dites qu'il est temps de le faire examiner par une autre paire d'yeux, au cas où des "défauts" vous auraient échappé.

J'ai mis des guillemets, parce que la définition est large, et que certains défauts n'en sont que parce qu'ils sont symptômes d'un autre problème.

La bêta-lecture, ça consiste en quoi ?

"Ca dépend".

Idéalement, la BL relève tout ce qui peut ne pas aller dans un texte : l'orthographe et la grammaire, la ponctuation, le vocabulaire, les répétitions, le style, les incohérences, l'intrigue, le rythme...

En pratique, ça dépendra du texte lui-même. Dans un texte court (nouvelle, extrait de roman...) on se permettra plus les remarques sur la forme que dans un texte long ; et ce sera plutôt l'inverse dans des texte longs, comme un roman entier : il on y verra plus facilement les problèmes de rythme, d'intrigue, d'incohérences - même si des fautes d'orthographe peuvent sauter aux yeux.

Souvent, l'auteur demande spécifiquement à ses BL*** de vérifier des points précis : "est-ce que les sentiments de mon héros sont clairs ?", "est-ce qu'on comprend bien que Machine est une femme à trois bras ?",... Personnellement, je pense que cette sélectivité (sauf si c'est "faites attention à ça en plus du reste") est à réserver aux écrivains qui maîtrisent déjà leur style, mais 1) c'est juste mon avis à moi que j'ai** et 2) dans certaines circonstances, notamment quand on parle d'un texte en cours d'écriture, on peut se concentrer sur les questions de fond histoire de voir si on va dans la bonne direction ou si on se fourvoie (et éviter de perdre du temps).

Il n'est pas mauvais non plus de signaler les passages qu'on apprécie : ça fait plaisir à l'auteur et ça lui montre qu'on n'est pas là (que 😈) pour l'enfoncer, aussi pour l'encourager.

Dans la façon dont j'ai appris à BL, on conseille de ne pas suggérer de corrections, sauf pour l'orthographe et les expression fautives (ex : on dit "fier comme Artaban" et pas "fier comme un bar-tabac"). Ca permet à l'auteur de faire bosser ses méninges et de trouver des mots qui viennent de lui et non pas du BL.

Par contre, dans tous les cas, il faut se relire soi-même (et passer un coup de correcteur orthographique) avant de proposer un texte à qui que ce soit. C'est une question de respect. Et ça se voit tout de suite, quand bien même il resterait des fautes 😉

La bêta-lecture, c'est fait par qui ?

Selon moi, "par trois ou quatre autres auteurs, qui lisent ou écrivent dans le genre/public de votre roman".

Trois ou quatre : pour avoir plusieurs points de vue. La "règle" est "si une majorité dit qu'il y a un problème avec X, c'est qu'il y a réellement un problème avec X". En revanche, si tout le monde n'est pas d'accord, il n'y a pas forcément de problème.

Auteurs : on peut obtenir des BL de qualité de la part de non-auteurs, mais c'est moins garanti. Votre famille sera probablement trop bon public, vos amis aussi (sauf s'ils sont eux-mêmes auteurs). Des "gros lecteurs" seront certainement meilleurs bêta-lecteurs que des gens qui lisent peu, mais selon moi, un auteur est le mieux placé pour voir les défauts du texte d'un autre auteur, et BL ses confrères lui permet de s'améliorer dans sa propre écriture : on voit plus facilement ses propres défauts chez les autres que chez soi. Pour moi, le fait qu'ils soient ou non de parfaits inconnus ne joue pas : un véritable ami sait qu'il vous fait souffrir pour votre bien 😛 (et celui de votre texte), il n'hésitera pas à vous dire ce qui ne va pas et, comme c'est un ami, il vous le dira gentiment !

Dans le genre/public de votre texte : tous les genres ont leurs codes. Un auteur a tout à fait le droit de ne pas les respecter - c'est souvent encouragé - mais pour cela, il doit les connaître. Et du coup, il est mieux que ses BL aussi connaissent ces codes. Encore une fois, il est possible d'obtenir une bonne BL de quelqu'un qui ne connaît rien au genre du roman que vous écrivez, mais elle sera probablement moins significative que celle d'un amateur dudit genre.

Certaines personnes proposent des services de bêta-lecture payants. Je ne suis pas contre - tout travail mérite salaire, et il peut y en avoir, du boulot ! - mais personnellement, je préfère l'échange de bons procédés au sein d'une communauté d'auteurs.

Les sensitivity readers

Je ne vais pas m'étendre sur le sujet, qui est hélas sujet à polémique. De mon point de vue, les SR sont une espèce particulière de BL, dont le but est de vérifier que vous n'avez pas écrit de bêtises sur un sujet que vous abordez mais sur lequel vous n'êtes pas expert (et comme ils ne BL que des aspects spécifiques de votre roman, ils n'ont pas besoin d'être eux aussi des auteurs, ou même des lecteurs).

On pense tout de suite à la question des persos LGBT+ ou des personnes racisées, mais j'ai eu récemment l'occasion de faire la SR pour des questions sur les motards.

Après, comme pour toutes les BL, je pense qu'il vaut mieux faire appel à plusieurs SR et faire le tri ensuite, surtout si le sujet que vous traitez est sensible.

En conclusion

Quand on écrit pour être lu, on s'expose au regard (et aux avis) des autres. 

Quelque part, la BL est un vaccin contre ça : on s'expose à quelques personnes triées sur le volet, qui vont virtuellement nous massacrer la gueule avec bienveillance (parce que la première BL qu'on reçoit fait toujours mal - si elle est bien faite 😈). Une fois qu'on a séché ses larmes, d'une part on devient plus résistant à d'éventuelles critiques moins agréables et moins objectives, mais surtout, on sera capable de mieux voir nos défauts d'écriture et de les corriger.


PS : vous avez le droit de BL cet article, mais sachez que j'ai privilégié la clarté au style, donc oui, il y a des répétitions 😉

 

 

* : je ne parle pas de moi (je n'ai pas encore assez d'XP pour, comme on dit par cheu moi 😉). Par contre, ledit auteur confirmé aura certainement moins besoin de BL qu'un débutant. Mais "moins", ça ne veut pas dire "pas du tout".

** : j'aime cette expression fautive 😳

*** : oui, j'utilise la même abréviation pour bêta-lecture et bêta-lecteur 😁

Commentaires

  1. Article intéressant ! :)

    C'est la deuxième fois que j'entends dire qu'il faut plutôt des bêta-lecteurs dans le genre de ce qu'on écrit ; j'avoue que je n'y avais jamais vraiment réfléchit avant. Parmi les quatre personnes à qui j'ai prévu de demander un coup de main, il n'y en a qu'une qui rentre dans ce cadre. Mais je fais une grande confiance aux autres pour pointer des tas de trucs pertinents (et puis aussi j'écris de la fantasy mais bon... c'est pas la grande aventure, y a pas d'histoires de guerres ou quoi, en fait je sais moi-même pas dans quoi caser mon roman à part "fantasy", du coup pour trouver quelqu'un qui tape dans le même type c'est un peu compliqué...).
    Je te rejoins assez sur la question de la précision à demander aux bêta-lecteurs. Quelques demandes précises quand on n'est pas sûr de soi, c'est toujours bien, mais je pense qu'il faut plutôt leur faire chercher de qui marche et ce qui ne marche pas, d'une manière générale. Je suis plutôt sceptique face aux questionnaires interminables que certains fournissent à leurs bêta-lecteurs pour tout noter, tout vérifier...

    Sur les sensitivity readers je suis plus que très très très trèèèèès sceptique. Mon avis est un peu long pour un commentaire (tellement long que même l'article que j'ai écrit là-dessus l'autre jour est interminable !) mais pour résumer je dirais que l'intention est louable mais l'outil... inadapté (et je reste gentille) ou dysfonctionnel et ça sur deux points de vues : la question de la censure, et celle de la lutte contre les discriminations (alors que c'est bien là leur but principal) (bref, je m'arrête là, en plus ce n'est même pas le sujet de ton article !).

    Après, il y a aussi la question des lecteurs-experts. Par exemple pour un livre où on fait intervenir des gendarmes : avoir un bêta-lecteur de ce milieu pour vérifier si les procédures sont respectées au moins dans leurs grandes lignes, etc.

    Bizarrement, je n'ai pas trop peur de passer en bêta-lecture (mais j'ai pas encore corrigé mon premier jet donc la bêta-lecture est encore un peu loin, j'ai le temps de me préparer) ; je le prends comme un moyen de s'améliorer et de voir si j'ai visé juste. Ça va faire mal, mais c'est fait pour ça ! On n'est pas tous comme certains qui envoient des premiers jets aux éditeurs et sont publiés (j'en connais ! hallucinant ! impressionnant !).

    À bientôt :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pour les BL, je pense que même s'ils ne sont "que" en Fantasy et pas dans ton sous-genre de Fantasy spécifique, c'est toujours mieux que s'ils sont spécialisés dans des genres trop différents.

      Par ailleurs, ça peut aussi "coller" avec un auteur qui lit de la Fantasy mais n'en écrit pas, par exemple :)

      Et sinon, ce que tu appelles des Lecteurs-experts sont aussi une forme de sensitivity readers, à mon sens ;)

      Supprimer
    2. Ah oui, bien sûr ! C'est clair que si je vais chercher un lecteur de polars, il va être déçu...

      Je ne vois vraiment pas les lecteurs-experts comme des sensitivity-readers parce que pour le coup, les sensitivity readers c'est moins du savoir que du ressenti (quoi qu'il y aurait encore débat) alors que les experts sont là pour vérifier des trucs d'experts, un jargon, des règles, etc. Ils peuvent lutter contre les clichés de leur profession mais ça reste seulement une part du travail et c'est des questions moins sensibles que les discriminations. Mais il est vrai que les experts peuvent rejoindre le principe des sensitivity sur certaines approches ! mais ça ne se recouvre pas, en tout cas c'est comme ça que je le vois.

      Supprimer

Enregistrer un commentaire