Ecrire est un métier

Je passe trop de temps sur touittère, mais j'ai une bonne excuse, Votre Honneur, c'est le confinement*, c'est important de ne pas trop se stresser et de se prendre soin de soi.
(Bon, certains dirons que "Twitter" et "prendre soin de soi" c'est un peu antinomique, mais on s'éloigne du sujet 😉).

Bref, tout ça pour dire que j'ai vu passer récemment des trucs intéressants sur "écrire est un métier", ce qui m'a inspiré cet article (notamment de la part de Lionel Davoust).

Comme la plupart des auteurs, être écrivain n'est pas mon seul métier, et surtout pas celui qui me nourrit. Certains pourraient me qualifier d'"autrice amatrice", et ça ne serait pas faux, selon certaines définitions de ces termes.
anmoins, ce n'est pas parce que je suis une "amatrice" que ça doit m'empêcher de me montrer professionnelle.

J'entends par là plusieurs choses :

Prendre l'écriture au sérieux (et, le cas échéant, la faire reconnaître comme telle autour de soi).

Sur ce dernier point, à part mon chat qui ne veut rien entendre 😉, je n'ai pas de souci. Si j'ai besoin de silence pour écrire, mon entourage me l'accorde sans discuter.
De mon côté, ça se manifeste d'abord par ma volonté d'écrire un certain nombre de mots tous les jours***, technique recommandée par beaucoup d'auteurs établis. En dehors du débat éventuel sur l'efficacité de cette méthode, je lui trouve le mérite de m'aider à voir les choses avec le même professionnalisme que j'accorde à mon boulot alimentaire.
Je peux ajouter aussi à ce point l'achat de logiciels professionnels (comme Antidote : je ne claquerais pas plus de cent €uros pour un "simple loisir").

Prendre ses lecteurs au sérieux.

Il n'y a rien de mal à publier sur Wattpad (ou une autre plate-forme) un texte tout frais sorti de notre imagination. Certains des textes postés sur ce blog sont des premiers jets dont j'ai seulement vérifié l'orthographe et la grammaire.
En dehors des inévitables coquilles qu'on retrouve dans tout ouvrage, même déjà imprimé (ouais, dans le mien aussi 😳), je trouve qu'un minimum de relecture équivaut à un minimum de respect envers ses lecteurs. Même quand on n'est pas soi-même une brute en Français, on apprécie davantage un texte que l'auteur a visiblement corrigé. Ne serait-ce que parce qu'il est plus clair et compréhensible.
Je noterai aussi que, selon mon expérience, les gens souffrant d'une dysorthographie font souvent plus attention à ce qu'ils publient que ceux qui n'ont pas de problème particulier.

Sur le fond, ça implique aussi de soigner la cohérence interne de son texte. Comme le dit Yves Meynard dans cet excellent article de Solaris :
Imaginez que vous lisez un roman-jeunesse écrit par un auteur français. Son héroïne, qui vit à Québec, fait une fugue et part pour Montréal. Quittant Québec le matin de bonne heure, elle marche le long de l’autoroute et arrive à Montréal en fin d’après-midi. Le lendemain, elle prend le traversier qui relie Montréal à Dakar, en Afrique, où elle admire la vue de l’Islande depuis l’Empire State Building. Quand on fait remarquer à l’auteur qu’il écrit des insanités, celui-ci répond qu’il n’est pas un géographe et que pour ses lecteurs, tout ce qui se situe en dehors de la France est infiniment loin de toute façon. Allez-vous admirer quelqu’un qui ne prend même pas la peine de consulter un atlas pour vérifier que la distance Montréal-Québec, c’est 250 kilomètres et qu’entre Montréal et Dakar, il y a un océan? On ne vous demandera pas souvent, en SF, d’être parfaitement rigoureux ; mais on est en droit de vous demander de ne pas dire de conneries.

Ca ne s'applique pas qu'à la SF, d'ailleurs, même si c'est là que c'est le plus flagrant.
Dans l'absolu, ça implique 1) de ne pas dire de conneries flagrantes (comme dans l'exemple de ma citation), surtout en supposant que "les lecteurs ne verront rien parce qu'ils ne s'y connaissent pas" ; 2) de faire un minimum de recherches avant d'écrire sur un sujet que vous ne maîtrisez pas parfaitement ; 3) de faire si possible bêta-lire votre texte par au moins une personne qui s'y connaît mieux que vous sur le sujet en question (comme les fameux "sensitivity readers"**** ou simplement des experts sur le domaine qui pourrait poser problème).

Prendre son public au sérieux est d'autant plus important quand on se tourne vers l'autoédition, à mon avis : parce qu'on est "seul maître à bord", les conséquences d'un "manque de respect" envers ses lecteurs peuvent être un handicap plus grand que pour quelqu'un qui bénéficierait du soutien d'un éditeur (notamment parce que si ce dernier fait correctement son boulot, il évitera certains écueils avant la publication proprement dite).
Ce qui nous amène à :

Prendre son éditeur au sérieux (et réciproquement).

En l'état actuel des choses, un contrat d'édition favorise généralement l'éditeur par rapport à l'auteur. Je vous conseille de jeter un oeil sur cet article, si vous ne l'avez pas déjà fait, qui explique un peu comment ça se passe.
Ce sur quoi j'insisterai ici, c'est qu'il faut voir le rapport auteur-éditeur comme une relation professionnelle. L'éditeur ne vous fait pas une faveur en daignant s'intéresser à votre manuscrit, et vous ne lui en faites pas une en acceptant de le laisser vous publier. Il s'agit d'un partenariat, d'une relation (idéalement) d'égal à égal.

Vous ne devez pas accepter de sa part des conditions que vous jugez indignes, mais vous ne devez pas non plus ignorer ses demandes, notamment quand il n'est pas encore votre éditeur et que vous en êtes au stade de la soumission : les maisons d'édition reçoivent énormément de manuscrits, et si c'est stupide et injuste de refuser un texte parce que "on a spécifié "police Times 12 pts" et c'est du Arial 14", quand on croule sous les soumissions, ça peut être un critère de tri.
Dans ce cas, donc, le respect est de se plier aux demandes de la ME - et si on les trouve idiotes, autant ne pas leur proposer de roman : on n'a pas envie de bosser (parce qu'il s'agit bien de bosser, je le répète), avec quelqu'un qui ne nous convient pas.

Ensuite, il y a le fait d'accepter de retravailler son manuscrit selon les suggestions de l'éditeur : ce n'est pas un caprice de sa part - et il ne faut pas non plus forcément dire amen à toutes ses propositions -, mais chaque camp a ses arguments et il est bon de les entendre afin de négocier au mieux pour tout le monde.



J'admets que prendre conscience de tout ça (surtout le premier point, dans mon cas 😳) est pour moi une motivation quand je commence à me chercher des excuses pour faire autre chose qu'avancer dans mes projets d'écriture.***
Je ne ferais pas ça dans mon boulot alimentaire, pourquoi le ferais-je en tant qu'autrice ?




* : enfin, plus tout à fait, mais je reste prudente.**

** : et en tant que geek, rester toute la journée le Q devant mon ordi est un mode de vie 😁

*** : même si ces temps-ci j'ai du mal, cf mes articles de ces derniers mois 😳

**** : le sujet mériterait un article à lui seul, mais je ne vais pas m'attarder dessus ici, dsl.

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