Imaginales 2019 : D'hier ou de demain : villes imaginaires...

D'hier ou de demain : villes imaginaires...


Cette fois, on part sur des questions d'urbanisme, ce qu'aurait dû être la conférence "ratée" de l'an dernier. J'ai donc "pris des notes" pour la Nyork du Journal d'Anya 😉

Comme tous les ans, avertissements de rigueur : je retranscris ici les notes que j'ai prises pendant la conf ; il est donc tout à fait possible que j'aie fait des contresens et tout à fait certain qu'il manquera des bouts 😁 (sans parler du côté décousu et de ma difficulté à me relire 😳). Les éventuels commentaires entre [ ] sont de moi, et les passages entre guillemets sont censés être des citations.

Intervenants : Pierre Bordage (écrivain), Nicolas Depoutot (architecte), Laurent Gapaillard (illustrateur) et Armel Gaulme (illustrateur).

Modératrice : Natacha Vas-Deyres.


De gauche à droite : PB, ND, LG, NVD, AG.

Quelle serait la définition idéale de la ville ?

PB : Il a vécu son enfance à la campagne et aime beaucoup les villes végétales de Schuiten, ainsi que la Cité Radieuse de Le Corbusier, à Nantes, dont les habitants avaient l'air heureux d'y résider.

ND : La ville idéale n'existe pas plus que le gendre idéal. Sa ville préférée est Tokyo, car on s'y sent bien même si elle est très urbaine et très peuplée. On y fait beaucoup de découvertes et de surprises, et c'est donc une bonne inspiration pour la ville de demain.

LG : Il a beaucoup d'images contradictoires quand il pense aux villes. Il faut à la fois que ce soit pratique et que ce soit inspirant : pour qui la ville est-elle idéale ? C'est dans la perte qu'on voit l'idéal, cf ce qui est arrivé à Notre-Dame de Paris : si on nous l'enlève il nous manque plein de choses.
La ville doit être vivante, un bouillonnement, des échanges d'idées et de cultures. Ca doit "vendre du rêve" à l'extérieur.

AG : Il y a à la fois le côté symbolique, qui fait rêver, et la réalité. En ville existante, il adore Venise, ville à taille humaine où on peut se balader à pieds. C'est une ville qui n'est pas rationnelle, où on perd beaucoup de place (ce qui est un atout pour lui : on découvre, on se promène). De plus, il y a comme des strates géologiques dans cette ville, un mille-feuille composite, on n'en a jamais fait le tour. 

Pourquoi la ville est-elle stimulante pour l'Imaginaire ?

PB : Quand il est en ville, il aime les pavés, les vieilles pierres, l'ombre, les petites ruelles. Lui aussi aime se perdre en ville. Le danger ou l'émerveillement peut surgir à chaque coin de rue.
Sa ville d'Arkane est sur plusieurs niveaux séparés par des labyrinthes pour lesquels il faut des guides (sinon on s'y perd et on meurt). Il est fasciné par des villes comme Bombay et son grouillement, "une succession de surprises permanentes".

ND : La ville est le domaine de l'architecte, c'est un "accélérateur de possibles" et, comme l'a dit LG, que ce soit en positif ou en négatif. Il évoque le projet architectural de Saint-Dié par Le Corbusier, qu'il trouve un peu inquiétant en soi.

Quel type de ville avez-vous envie de créer ? Pourquoi avez-vous voulu créer une telle ville ?

LG : La ville est l'anti-naturel par définition. Quand les gens se rassemblent, ils finissent par créer des villes. "Les villes sont les termitières des humains", comme un développement naturel. 
Il voit des images qui le hantent et les combine avec d'autres concepts, comme une ville islamique avec des minarets en forme de géode. Et aussi des villes en "strates géologiques", en montrant l'oubli des siècles passés. 
La ville est la somme de ses habitants. L'Histoire sélectionne ce qui se développera ou non. Il y a un langage végétal de l'urbanisme. 

AG : Il essaie de donner corps à un cadre, comme une scène de théâtre, sur des textes écris par d'autres. On peut alors les visiter comme un touriste ou comme un habitant (ce qu'il préfère). Il aime aussi s'émerveiller sur des petits détails, comme trois marches qui descendent dans les canaux de Venise.
Ce qui le stimule le plus, c'est comment la lumière va mettre en valeur et révéler les formes. Il évoque le château Saint-Ange, à Rome, dont on voit toutes les strates historiques, et le temple d'Hadrien, qui se trouve en pleine rue, au milieu d'immeubles modernes.

La ville est humaine et inhumaine, et on aime bien la détruire... 

PB : C'est un symbole de l'orgueil humain. Il y a le fait de détruire pour reconstruire, et l'esthétique de la destruction. Il évoque le mélange végétal et minéral des temples d'Angkor. Le temps finit toujours par tout détruire. "C'est une illusion de croire que les murs* peuvent résister au temps". "La pierre est une illusion de solidité et de puissance".

Comment un architecte voit-il l'évolution dans le temps ?

ND : C'est une question qui commence à être posée pour les bâtiments récents : comment démonter un bâtiment ou le faire servir à autre chose ?
En Europe, le patrimoine est très architectural, mais pas au Japon, où beaucoup de villes sont/étaient en bois et ont été rasées et reconstruites, même si pas à l'identique. Là-bas, le patrimoine est plutôt quelque chose de personnel, qui se transmet d'un individu à l'autre.
Aujourd'hui, on ne pense plus les bâtiments comme définitifs. On voit maintenant davantage de constructions en bois, pas faites pour durer, comme l'ENSTIB d'Epinal (même si celle-ci est faite pour durer un certain temps quand même).

Et qu'est-ce que les artistes pensent actuellement de la végétalisation des villes ?

LG : Ce qui compte, c'est qu'il existe une bonne interaction humaine, une convivialité, qu'on se sente bien dans les rues. Mais ça peut prendre plein de formes différentes. Ca dépend du climat, entre autres ; ça ne sera pas pareil en Russie et au Maroc. La ville est le reflet de nos réseaux sociaux (au sens non virtuel 😉). Ca peut être un lieu très anonyme.
Il voudrait que les gens se sentent vivre ensemble, qu'ils échangent davantage.

AG : Pareil, tout n'est pas transposable n'importe où. Il a vécu à Orléans, qui est passée de très grise à très bien restaurée. Lui-même a vécu dans une maison du XVe siècle. Par contre, il n'y a presque pas d'arbres (sauf en pot) en centre-ville, et ce n'est pas très agréable au quotidien, même si ça fait joli : il n'y a pas d'ombre, et les gens ne restent pas dehors. A Paris, dès qu'il y a du soleil, les gens sortent à l'ombre et envahissent les pelouses.

[Question de ma part**] Quid de la végétalisation des villes pour y faire pousser des plantes et des légumes (je pense notamment aux plantations verticales/murales) ?

ND : C'est plus de la poudre aux yeux [😭], à priori, ce n'est pas rentable. La ville est artificielle et cette nature-là est artificielle.

AG : Il trouve intéressant le mélange végétal-bâtiment mais il aime que les bâtiments restent des bâtiments, il trouve que c'est un travestissement.

PB : Les villes sont fragiles à cause des problèmes d'approvisionnement (cf les sièges). Peut-être des ceintures alimentaires proches ? Il faudrait y réfléchir, pour diminuer l'empreinte carbone.




* : ce qui rejoint sa déclaration dans la conférence "voici la Terre que nous vous laisserons" (fin de page).

** : ouais, j'ai été active, cette année 😁






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