Imaginales 2019 : ... Voici la Terre que nous vous laisserons !

Saccagée, polluée, désertifiée... 

voici la Terre que nous vous laisserons !


Encore un sujet très gai, n'est-ce pas, mais orienté écologie, cette fois. On y retrouvera certains thèmes vus ailleurs, comme "le rôle des écrivains là-dedans".

Comme tous les ans, avertissements de rigueur : je retranscris ici les notes que j'ai prises pendant la conf ; il est donc tout à fait possible que j'aie fait des contresens et tout à fait certain qu'il manquera des bouts 😁 (sans parler du côté décousu et de ma difficulté à me relire 😳). Les éventuels commentaires entre [ ] sont de moi, et les passages entre guillemets sont censés être des citations.

Intervenants : Jean-Pierre Andrevon (Demain le monde), Pierre Bordage (Arkane), Nicolas Cartelet (Dernières fleurs avant la fin du monde) et Sylvie Miller (série Lasser).

Modérateur : Jean-Claude Vantroyen.

De gauche à droite : SM, PB, JCV, JPA, NC.



Ce thème a plus de cinquante ans...

JPA : Oui, déjà dans son premier texte [vers 1970], il évoquait une Terre désertifiée avec des chasseurs-cueilleurs. Il évoque Einstein et sa citation "je ne sais pas comment on fera la Troisième Guerre mondiale, mais je sais comment on fera la quatrième : avec des bâtons et des pierres"
Il ne croit plus à une troisième guerre mondiale, mais aux dérèglements climatiques. Où peut aller la SF sans en parler ? Ou alors, il faut écrire de la Fantasy, mais ça ne l'intéresse pas.
La planète survivra, mais peut-être pas l'humanité, il y a déjà eu cinq extinctions de masse.

SM : Le dernier épisode de Lasser (Fantasy urbaine) parle d'un rituel druidique corrompu : le climat se dérègle, le climat ne "fonctionne" plus comme il le doit, et son héros découvre qu'une extinction massive est en cours.

NC : Dans son roman, la pollinisation se fait à la main, car il n'existe plus d'abeilles ni d'autres pollinisateurs. Pour lui aussi, on ne peut pas éviter d'en parler en SF. Et dans son livre, il y a aussi, en plus, des bouleversements sociaux.

PB : Il a surtout parlé de fin du monde par guerre nucléaire ou expérience qui échappe à l'Homme. Il a l'impression que notre fin est inéluctable, on ne parle pas des "bons" sujets, malgré les avertissements des auteurs et des scientifiques. "Le matérialisme est une catastrophe".

JPA : Les gens ne voient pas et polluent, ceux qui voient sont ceux qui subissent notre pollution. Donc, comment faire comprendre aux gens, et surtout aux politiques, qu'il faut tout changer ?
Personne ne veut parler de certains sujets, comme la surpopulation [il a évoqué les "femmes africaines avec six mômes", et j'ai trouvé ça assez limite, au moins dans sa formulation 😕].

NC : Les coupables sont l'économie de marché et le capital. Tout le monde voir qu'on va droit dans le mur, mais l'économie de marché transforme ça en spectacle qui rapporte des sous.

SM : Les gens prennent des habitudes européennes de surconsommation énergétique et alimentaire alors qu'ils avaient un équilibre local avant. C'est très dur de faire marche arrière car tout est imbriqué. La voiture électrique, c'est bien, mais ça veut dire davantage d'électricité, donc davantage de centrales [et je crois que leur fabrication est coûteuse en termes d'énergie, voire polluante (?)]. Sauf que la solution, c'est de l'urbanisme où les gens bossent à 10mn de chez eux.

Quelles solutions proposez-vous ?

PB : Il est allé en Inde, à Delhi, et c'est très pollué. Et il ne se voit pas leur dire "arrêtez, c'est mal".
Il ne faut pas faire dépendre son bonheur des choses matérielles, les voyages en avion n'apportent pas le bonheur.

JPA : Tout est une question d'éducation, mais ça demande du temps et on n'en a pas. Il nous a lu un texte de Sitting Bull sur la colonisation des USA et le saccage de la terre.

NC : On vit dans un système qui agonise, mais tout doucement. On écrit souvent des grosses catastrophes, en SF, mais en fait, on va vers une extinction lente.

SM : Même si les politiques ne bougent pas, on peut quand même agir au niveau local, en consommant local, en économisant l'eau... Même s'il y a du chômage : s'il n'y a plus de planète, le problème du chômage ne sert à rien. "Un comportement économique est une somme de comportements individuels".

PB : Il évoque la spiritualité du texte de Sitting Bull, il aimerait revenir à la notion de spiritualité des choses, où on se sent relié à tout et on arrête de faire n'importe quoi. Il insiste cependant sur le fait que ce ne serait pas une spiritualité religieuse : "ce serait une catastrophe".

Quel est le rôle de l'écrivain ?

NC : Il n'a pas un rôle différent des autres, il sera juste, peut-être, entendu par plus de monde. Redonner du spirituel est ce qu'il y a de plus dur aujourd'hui, ce n'est plus dans la culture actuelle.
Dans les romans post-apocalyptiques, on revient à de petites communautés plus ou moins coupées du reste du monde. Mais ça touche aussi à une utopie altermondialiste où on revient à une échelle humaine des choses, à des circuits courts.

JPA : On est des citoyens comme les autres mais on a un peu de notoriété pour communiquer des idées. Il faut faire passer et repasser le message. Il cite le proverbe de Geronimo : "quand le dernier arbre aura été abattu, quand la dernière rivière aura été empoisonnée, quand le dernier poisson aura été pêché, alors vous saurez que l'argent ne se mange pas". Il faudrait une gigantesque prise de conscience (qui est en cours), mais qui soit suivie d'effets.

SM : La SFFF nous permet d'explorer plein de choses (avec le post-apo, les dystopies...). Beaucoup d'auteurs de SFFF actuels en parlent [cf les autres conférences de cette année 😉].
Nous sommes une espèce programmée pour voir les dangers immédiats, mais pas du tout pour les dangers à long terme [est-ce que certaines espèces le sont ?]. On est programmés pour se reproduire et piller notre environnement, même à l'époque des chasseurs-cueilleurs (on se déplaçait et ça repoussait). Mais avec la sédentarisation... Elle a peur que les solutions ne soient trouvée que quand on sera en pleine crise.

PB : Le rôle de l'écrivain est ridicule et immense. On ne touche pas beaucoup de monde, mais les mots peuvent marquer. "Une bonne guerre" est la solution du capitalisme.

Le retour au local ne mène-t-il pas à un retour à la xénophobie ?

NC : C'est un des sujets de son roman : ses héros ne se révoltent pas d'être exploités, mais quand des étrangers viennent leur prendre leur travail. Pour lui, c'est inévitable et ça fait partie de la culture humaine.

SM : La solution est à l'échelle du village. Il y a beaucoup de gaspillage à cause de la macro-économie. Ce sont les intermédiaires qui s'enrichissent, et pas le producteur. Il faut donc revoir tout le raisonnement économique et politique et redonner du sens aux choses.

PB : Il y a beaucoup de nationalimes et de montées de l'extrême-droite. Lui, au contraire, veut moins de frontières, mais avec une économie à l'échelle des villages et villes. Partout, les gens bâtissent des murs, et c'est un échec de l'humanité.

Les livres sont beaucoup moins noirs que les propos de leurs auteurs...

Jean-Pierre Fontana (depuis le public) : Il parle de la réédition de "Ecotopia", qui est la seule [?] utopie écrite au XXe siècle et propose des solutions. Pourquoi ne pas écrire des utopies et donner des solutions ?

PB : Les utopies, c'est chiant, la destruction est plus esthétique, plus intéressante. "Ils vécurent heureux et eurent peu d'enfants". Il pense qu'une société utopique isolée est condamnée.

SM : Les gens nous reprochent d'écrire des trucs déprimants, mais ça nous motive à apporter des changements positifs.


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