La terreur de son quartier
Arthur est arrivé chez moi en septembre 22. Je me disais que j'avais de la place pour un troisième chat, et que ça mettrait un peu de variété dans la dynamique entre mes "filles", Harley & Honda (presque un an à l'époque).
Sur le papier, ce n'était pas un choix idéal (et ce n'était pas notre premier choix, qui avait été adoptée entre-temps), mais il avait un bon "instinct paternel", me disait-on, et il pourrait apporter un peu de maturité aux filles. C'était un gros mâle ("six kilos de muscles/un kilo de graisse") de presque quatre ans, avec des crocs énormes, au visage couturé de fines cicatrices (un de ses surnoms était "le bouledogue anglais" (pour sa carrure), un autre "Danny Trejo"). Et même s'il était plutôt typé Européen, c'était un Mahorais, comme mes filles.
Arthur à sa place, sur mon bureau. |
Je vais laisser la parole à Val, sa première accueillante, pour raconter son histoire :
Arthur est arrivé adulte dans le quartier, c'était la terreur du quartier, il faisait sa loi, il battait tout le monde, mais impossible de le trapper.
Je donnais à manger à l'extérieur pour le trapper mais il était trop malin. il était très sauvage.
Un dimanche, j'ai réussi à le trapper. Le lendemain, il était castré et avait fait un check-up, 7 kg et des dents énormes le vétérinaire m'a dit.*
Il a été relâché car sauvage.
Très rapidement, il a montré des signes d'envie, car il voyait mes chats rentrer et sortir de la maison, il donnait l'impression d'avoir envie.
Au fur et à mesure de lui parler par la fenêtre (car si j'étais dehors il partait en courant), il me fixait et m'écoutait lui raconter ma journée ou lui dire à quel point il pourrait être heureux s'il me faisait confiance.
Peu de temps après la castration, lorsque je sortais, il ne partait plus et faisait les patounes dans le vide, il avait eu le déclic. J'ai continué à lui parler quelques jours, mais impossible de m'approcher de lui, il avait envie mais trop peur.
J'ai donc sorti la cage trappe et en 5 min il était dedans.
Le nouveau départ d'Arthur commençait.
Je l'ai mis dans une chambre et pendant 3 mois au moins, impossible de le toucher, il avait peur.
J'ai passé des heures à lui parler, et un jour, caché sous le lit et moi couchée au sol pour lui parler comme à chaque fois, j'ai réussi à lui toucher la joue. Ca lui a fait peur mais c'était agréable pour lui, et au fur et à mesure, j'ai réussi à le caresser de partout à faire des bisous, quand j'arrivais il sautait pour me faire des câlins et des bisous.
Il adorait Toupi [un chaton également recueilli], il faisait sa toilette, jouait avec, se laisser mordre par le petit, il avait totalement changé, car avant il ne supportait pas les autres chats c'était terrible.
Parfois il était trop excité donc sa peluche était là pour l'aider.
Voilà ce que nous savons d'Arthur.
Il adore quand on lui parle ou lui lit quelque chose. Je parlais beaucoup avec lui, il connaît bien son nom car je l'appelais toujours, il arrivait en miaulant.
C'est lui qui a choisi sa nouvelle vie, je l'ai juste aidé.
Nous avions une grosse complicité ensemble, son départ a été terrible pour moi, j'avais peur qu'il ne fasse plus confiance à l'homme car je l'avais abandonné, qu'il régresse dans son apprentissage. qu'il ne trouve pas des personnes qui comprennent sa peur.
C'était un chat sauvage.
Arthur a marqué mon cœur. Je suis heureuse s'il est heureux. C'est un amour de loulou.
Quand il est arrivé chez moi, ses anciennes peurs se sont en effet réveillées, et il a passé les deux premières semaines planqué sous les meubles de la cuisine (on était surpris qu'un "gros" chat comme lui arrive à se planquer là !), ne sortant que la nuit, pour manger.
En conséquence, les filles ont bien toléré sa présence (Honda est particulièrement territoriale 🙁) : elles le sentaient mais sans le voir.
Au fil du temps, il s'est détendu, et est redevenu la grosse boule d'amour que Val avait révélée.
Il s'entendait plutôt bien avec Harley, Honda le tolérait, et je l'ai même vu s'interposer entre celle-ci** et les chatons que j'avais en famille d'accueil, qui s'étaient échappés dans ma cour***.
L'été dernier, puisque nous laissions sortir les chats (il fait trop chaud pour garder les fenêtres fermées), Arthur s'est mis à sortir dans le quartier (généralement pour aller pioncer chez notre adorable voisine).
Mais en ce samedi d'août, alors que je lui demandais de rentrer, il a préféré aller voir ce qu'il y avait dans le jardin d'un voisin.
Et il n'est jamais revenu.
Nous l'avons cherché partout dans le quartier, prévenu les voisins et les vétérinaires, déclaré sa perte à l'ICAD... en vain.
Je me disais (à raison) que c'était le mieux équipé pour survivre hors de la maison : il avait l'expérience de la rue, même si c'était en climat plus chaud. En revanche, il était très timide avec les inconnus, ce qui n'aiderait pas à le retrouver 😢
Samedi matin, nous avons reçu un coup de fil d'une véto, qui l'avait identifié grâce à sa puce ICAD, dans un bled à six kilomètres de chez nous (mais de l'autre côté du fleuve, ce qui explique sans doute qu'il ne soit pas rentré tout seul). Arthur avait tenté de mettre un coup de boule à un camion**** sous les yeux d'une gentille dame qui l'a immédiatement amené à la clinique, quelques minutes avant l'ouverture.
Nous sommes donc allés le voir et avons pu passer quelques instants avec lui (et lui laisser mon écharpe et mon odeur). Malheureusement, il n'était pas assez stable***** pour lui faire la radio (et autres scans) du crâne nécessaire(s) pour évaluer l'ampleur des dégâts. Et les dégâts en question se sont révélés trop graves, il n'a pas passé la nuit.
Il va me manquer 😭
(1er janvier (?) 2019 - 28 janvier 2024)
* : au passage, il n'était pas porteur du FIV, ce qui est plutôt rare pour un chat bagarreur. Juste un peu de coryza, comme tous les Mahorais qu'on a pu croiser.
** : ouais, Honda est capable de cracher sur des chatons 😩 (sans doute pas de les attaquer, mais on a pas voulu tester).
*** : je n'avais pas encore de sas dans ma buanderie - une nécessité face à une horde de chatons aventureux !
**** : je préfère cette formulation à "a été victime d'un chauffard qui ne s'est même pas arrêté 🤬".
***** : pour les animaux, une anesthésie générale est presque toujours nécessaire, pour qu'ils ne bougent pas pendant que ça scanne.
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