Utopiales 2022 : Par-delà le voile d'Isis

 

Par-delà le voile d'Isis

 

Comme tous les ans, avertissements de rigueur : je retranscris ici les notes que j'ai prises pendant la conf ; il est donc tout à fait possible que j'aie fait des contresens et tout à fait certain qu'il manquera des bouts (sans parler du côté décousu et de ma difficulté à me relire 😳). Les éventuels commentaires entre [ ] sont de moi, et les passages entre guillemets sont censés être des citations.

Par ailleurs, je consulte ces notes plusieurs mois après les avoir prises, ce qui multiplie le risque des fautes susmentionnées.


Intervenants : Marie Bardiaux-Vaïente, Jeanne-A Debats, Michael Roch

Modératrice : Sylvie Lainé.

 

SL, JAD, MBV, MR.

 

SL : L'employeur a le droit d'imposer des vêtements, pour raison commerciale (pour les employés au contact des clients) ou par sécurité. La Fonction Publique peut interdire les signes religieux.
L'uniforme est porté avec fierté par certains, et pas seulement parce que ça les protège.

MBV est scénariste de BD après avoir été enseignante, elle est docteure en histoire et milite pour les droits des femmes et la justice.

JAD : Isis est LA femme. Elle a été mère, femme, veuve et a ressuscité son mari. C'est une femme forte. On voilait sa statue, qu'on ne dévoilait que pour ses prêtres, des hommes.
Il n'y avait déjà pas de poches dans ce voile, ce qui est emmerdant 😛
Elle pose la question de comment le vêtement nous protège mais nous enferme et nous contrôle.

MBV : Le vêtement féminin est souvent contraignant pour la mobilité des femmes. Pas de poches, donc il faut des sacs. Jupes serrées, bas, chaussures à talons... [encore que par le passé, ce dernier point faisait partie de la mode masculine].
Elle parle de son roman Fille d'Oedipe, où la nudité d'Antigone est plus choquante que sa lapidation à venir.

JAD évoque le Mahabharata, où la princesse Draupadi est vendue à l'ennemi. Ce qui est vu comme choquant, ce n'est pas qu'on la traîne loin de ses maris, mais que ses vêtements soient tachés du sang de ses règles.

MR : Le vêtement (et la coiffure) donnent de l'empowerment (en plus des limitations citées par JAD). Les dreadlocks seront tolérées ou intolérables, surtout à l'école où le règlement peut changer d'une année sur l'autre.
Jusqu'en 1970, en Dominique, on pouvait tuer les porteurs de dreadlocks [😱].
Aux Antilles, il y a beaucoup d'écoles avec des uniformes.

MBV a porté l'uniforme au collège, de 86 à 89, à Sainte-Luce. Elle ne trouvait pas ça si contraignant, parce qu'il fallait une jupe à carreaux, mais de n'importe quel type (vichy, madras...).
La classe sociale se voit alors par les chaussures ou le matériel scolaire. Elle-même l'a bien vécu (mais attention, si la jupe était trop courte !).
Il faut arrêter de dire que c'est la faute des filles qui s'habillent court et "excitent les hommes".

JAD : Dans Star Trek, Uhura est au début coiffée comme les femmes blanches de l'équipage, mais sa coiffure évolue au cours de la série.
L'uniforme est là pour contrôler les enfants, surtout les filles. C'est malveillant. Elle est scandalisée par les oppositions aux crop-tops.
En tant qu'enseignante, elle a vu évoluer la coiffure de ses élèves noires, ça ne fait que trois ans qu'elle voit des "coupes afro".

MBV : Dans son collège, les filles se nattaient, et les autres filles faisaient des remarques à celles qui laissaient leurs cheveux libres.

MR : Les nattes rendent propre.
La diversité des coiffures afrodescendantes vient des besoins de l'entretien des cheveux : on ne peut pas conserver totalement ses nattes, il faut aérer les cheveux.

SL : On parle de "tenue décente" ou "correcte", et c'est très ambigu, car ça dépend trop du contexte, du climat...
Elle a pensé aux crop-tops, au contrôle sur les filles, au fait de les culpabiliser si elles se font agresser.
Elle parle aussi d'un jeune homme de son entourage qui était très enthousiaste de porter un uniforme d'apparat, ce qu'elle trouve incompréhensible [peut-être un côté "déguisement" ?].

JAD a adoré l'Ancillaire d'Ann Leckie, dans lequel il est inconcevable de ne pas porter de gants.

MBV parle de l'inégalité des femmes devant la nudité. Il n'y a rien de provoquant dans le nombril d'une enfant de dix ans, ou même plus vieille. Le nombril n'est pas une zone érogène reconnue.
Elle évoque L'Enfant de Maupassant, où des baigneuses se changent dans des cabines et le regard de l'auteur rend une cheville érotique.
C'est le regard des gens qui fait du crop-top un objet provoquant.
Mais les femmes aussi peuvent être dans cette optique de contrôler d'autres femmes.
En tant qu'ex-enseignante de primaire, elle pense que la seule contrainte vestimentaire devrait être motivée par la sécurité (tongs, écharpes pour les petits...).

SL : Dans son école d'ingénieurs, il y avait peu de filles, et les profs de mécanique, qui ne les aimaient pas, exigeaient qu'elles portent les cheveux attachés. Sauf qu'ils ne disaient rien aux nombreux garçons aux cheveux longs...

JAD évoque une réunion avec des agrégés en Droit. Pendant la pause-café, les filles parlent de leur oral, où elles sont obligées d'être en tailleur-jupe. Pour sa part, ses profs (de gauche) s'en foutaient.

MBV : Beaucoup de métiers (même hors mannequinat) sont sur des critères esthétiques pour les femmes. Ca cause des troubles alimentaires, car glorifie le corps maigre (dans les années 90, notamment).
La diversité des corps et des ethnies n'est pas encore assez forte.
On renvoie aux femmes que leur physique doit être validé par les autres, à savoir les hommes.
Le vêtement est lié à la diversité des corps, on a du mal à trouver des vêtements grandes tailles [ou alors c'est moche, sans parler que certains définissent ça à partir du 46 🤬].
C'est présenté comme un devoir qu'on réclame aux femmes, et qu'on ne réclame pas [ou très peu] aux hommes.

MR évoque la validation de la part du féminisme blanc sur les autres cultures.
Rester barbare de Louisa Yousfi offre un regard sur la lutte contre l'ordre établi et le désir toxique d'assimilation.
Le titre signifie le refus de l'assimilation, mais aussi le refus de l'opposition, il faut rester entre les deux.
Le vêtement est alors une reprise du contrôle sur soi.
Il met en parallèle le retrait du voile en Iran et le droit à le porter en France.

MBV parle de la loi de 2004 qui interdit le port du voile, mais aussi le port du bandana, parce que "ça pourrait" être un signe musulman [🙄]. Et de la différence de traitement entre une élève blanche et une racisée. On examine la longueur de la jupe au cas où ce serait une abaya, quelle est sa couleur, à quelle fréquence est elle portée...

JAD a constaté de la paranoïa envers les élèves.
A titre personnel, elle est révulsée par le port du voile, mais elle refuse qu'on empêche celles qui veulent de le porter.
Les garçons en tenue "trop courte" ne sont pas du tout inquiétés, mais les filles peuvent être exclues [🤬].

SL parle du rôle des vêtements dans La servante écarlate et des femmes qui ont porté cette tenue en réaction aux mouvements patriarcaux.

MR : C'est le mouvement queer (pas seulement occidental, sud-américain, notamment) qui se réapproprie les codes vestimentaires. "Queer" est déjà un terme réapproprié.
Le mouvement sud-américain a toute une littérature de SF [Il évoque La cabeza de Pedro Capilla, mais impossible de retrouver le roman ou l'auteur* 🙁] qui joue avec les codes de genre.
Il parle aussi de l'invisibilité et de l'ambigüité qui permet aux personnes queer de circuler dans l'ordre établi sans en pâtir.

 

 

 * : à supposer que j'aie noté correctement 😳

 

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