Imaginales 2022 : ... Vers les dictatures de demain

 

Le ministère de la peur...
Vers les dictatures de demain ?

 

Comme tous les ans, avertissements de rigueur : je retranscris ici les notes que j'ai prises pendant la conf ; il est donc tout à fait possible que j'aie fait des contresens et tout à fait certain qu'il manquera des bouts (sans parler du côté décousu et de ma difficulté à me relire 😳). Les éventuels commentaires entre [ ] sont de moi, et les passages entre guillemets sont censés être des citations.

Intervenants : Isabelle Bauthian, Christophe Carpentier, Carina Rozenfeld, Rui Zink

Modérateur : Jean-Luc Rivera.

 

RZ, CC, CR, IB (et JLR derrière le poteau, dsl).

 

JLR : La peur de l'oppression, la peur de la guerre sont des classiques. Mais depuis quelque temps, la peur a changé de nature ; les techniques pour nous faire peut et nous contrôler ont-elles aussi changé de nature ?

IB : Dans Zone Tampon, le contrôle se fait par la peur, la cité s'est créée parce que les gens n'avaient pas assez peur [de la catastrophe climatique imminente, si je me rappelle bien]. Un have de paix/réserve écolo a été créé mais seuls des élus ont été choisis pour la rejoindre, parmi des personnes compétentes et valides.

Les gens sont relativement heureux dedans, mais ne se rendent pas compte que leur société est basée sur la peur de l'autre et de l'extérieur. La ville s'est construite sur le rejet de l'autre, et même quand elle pourrait accueillir davantage d'habitants, elle refuse par peur. C'est une cité fondée sur une peur légitime mais qui vit dans une peur irrationnelle.

CR : Dans Abysses, on a une île fermée au reste du monde [en forme de donut, si j'ai bien compris], où chaque village vit avec son propre règlement très strict, [dont les interdits peuvent être assez WTF - ça me fait penser à certains Abris les plus extrêmes de Fallout, mais après discussion avec l'autrice, ce n'est pas la même finalité].

CC : Dans Cela aussi sera réinventé, les supports fictionnels sont interdits et remplacés par des documentaires éducatifs. Il est convaincu que c'est déjà en cours irl, et précédé d'un jugement sournois "vous êtes malade parce que" [sous-entendu : c'est de votre faute].

JLR évoque les USA où il est plus dur, voire impossible, pour un fumeur de trouver une assurance santé.

CC : Quand on veut valoriser une profession d'utilité publique, on montre des pompiers et des policiers mais pas des assistantes sociales, car leur existence implique que les gens ont besoin d'elle, donc que la société a des défauts, donc "il ne faut pas les montrer".

RZ : Le passé montre le futur, mais différent. Il évoque le film Philadelphia où on a d'un côté la "bonne sidaïque" qui a été contaminée par transfusion et de l'autre, celui qui l'a eu parce que homosexuel (et donc, la culpabilisation qu'on veut mettre sur ce cernier).

Il écrit pour exorciser la réalité et ce qui l'y agace (selon JLR, son livre L'installation de la peur est un peu un mode d'emploi de la peur).

Il évoque aussi le premier ministre portugais (son pays d'origine) qui a présenté des excuses parce que le pays avait vécu au-dessus de ses moyens, ainsi que les PIGS, des pays européens souffrant de difficultés économiques [et qu'on veut faire culpabiliser pour ça].

CC : On est dans la culpabilité institutionnalisée, "s'il t'arrive ça, c'est de ta faute" [un discours que les femmes connaissent bien... 😩]

JLR : Ces dictatures sont consenties, nous sommes convaincus que c'est pour notre bien.

IB : Les méchants le sont par conviction ou aveuglement, ils sont persuadés que c'est la bonne chose à faire. Et on se retrouve avec des gens qui "portent leur burnout comme une médaille", alors qu'il est prouvé qu travailler moins mais mieux est meilleur sur le long terme.

Elle parle aussi de la mentalité du "j'en ai chié donc les autres doivent en chier aussi" (elle, au contraire, ne veut pas reproduire ça) et d'accepter comme normal d'être HS à cause du boulot (ou du Covid long).

CC : Il n'aime pas que ses enfants lui reprochent de fumer ou de ne pas être écolo, "ils deviennent de bons petits soldats" [je comprends ce qu'il veut dire, au sens "appliquer bêtement tout ce qu'on entend à la télé", mais je trouve ses exemples mal choisis (même si ce sont aux grosses entreprises de faire les efforts nécessaires pour l'écologie, ce n'est pas une raison pour les individus de ne pas recycler et s'abstenir de gaspiller, entre autres chose) sans parler que même avant l'avènement des réseaux sociaux, ce discours "n"obéissez pas aveuglément" était déjà d'actualité].

CR : Dans E.V.E., tout est sous caméras de surveillance et les gens ont une puce intégrée dans le cerveau ; les EVE voient tout ce que les gens voient et interviennent alors pour sanctionner. mais en conséquence, tout le monde est surveillé partout et tout le temps.

[Je crois qu'a été évoqué le fait d'en avoir parlé à des élèves de secondaire, et que les filles répondaient majoritairement qu'elles préféraient leur sécurité*]. 

C'est la question de la liberté à perdre au profit de la sécurité, mais elle n'a pas de réponse à ça, c'est à la jeune génération d'y répondre.

Elle évoque aussi des employés d'Amazon [pas en France, j'espère, parce que ça ne m'a pas l'air très légal] qui portent un bracelet mesurant leur taux d'activité selon les mouvements de leur poignet [😱].

IB : La réponse à la question évoquée ci-dessus n'est pas la même pour tout le monde. L'utopie de l'un est la dystopie de l'autre. Il n'y a pas de société idéale, il y a toujours des exclus.

JLR : Dans le roman de RZ, des techniciens viennent installer une box qui diffuse littéralement de la peur et expliquent que "c'est pour le bien du pays". On ne peut pas répondre "non" à ça, parce que ça sous-entendrait qu'on est contre le bien du pays.

RZ : Son roman a été écrit en 2012 et il évoque "la dictature tranquille" (en détournant "la force tranquille" de Mitterrand). Il parle aussi du fait d'insulter et de diminuer l'ennemi (ou l'adversaire) : "tu n'est pas en train de tuer des humains, tu es en train de tuer des singes" [je ne me rappelle plus du cadre mais c'est une vraie citation, et c'est beaucoup plus facile de tuer quelqu'un qu'on a déshumanisé que quelqu'un qui nous ressemble]. Selon lui, si on a balancé des bombes atomiques sur le Japon et pas sur Berlin, c'est parce que les aryens ressemblaient trop aux américains.

CC : Il parle de la décrédibilisation des antivax et des tentatives de les ridiculiser et de les culpabiliser [ce qui les a renforcés 🤦].

IB : Sous prétexte que les antivax avaient scientifiquement tort (même si leurs inquiétudes de base étaient légitimes) [on parle plutôt de ceux qui se méfient des vaccins contre le Covid], ils ont été dénigrés et insultés. Obliger les gens à faire quelque chose est infantilisant et c'est un refus de s'intéresser à des peurs légitimes.

La situation n'a pas été traitée de façon scientifique, il n'y avait pas assez d'informations et de comportements fiables.

CC : Il faut s'inquiéter des comportements et de leur encouragement, et s'inquiéter aussi de la propagation à tous les sujets. 

JLR : Il faut s'inquiéter de cet utilitarisme : "il faut que ça soit utile, et au plus grand nombre, et à moindre coût".

IB : C'est très court-termiste. Le coût économique du Covid va être très grand à long terme... mais pas à court terme.

L'imaginaire et la fiction permettent d'imaginer et prévoir le long terme.

JLR : L'utilitarisme mène à l'élimination / la négligence des handicapés, des vieux, des malades...

RZ : Il évoque les USA à propos de cette remarque, ainsi que leur difficulté actuelle à trouver de la main d'oeuvre [il y a actuellement un mouvement ouvrier qui réclame des salaires décents et refuse de travailler pour ceux qui ne traitent pas bien leurs employés].

Il parle aussi du consortium "Poètes-Publicité-Politique" pour séduire les gens et les manipuler à force de "il faut agir maintenant sinon vous perdrez cette opportunité unique".

"Un jour, on votera pour Hitler pour faire barrage à des monstres galactiques". Il ne veut pas que ses enfants deviennent de la "chair à canon - chair à utile".

Faut-il vivre pour être utile (et jeté ensuite), ou vivre pour être heureux ? [réponse 2, sans hésiter].

Au contraire de ce que disait Kennedy : "demandez ce que votre pays peut faire pour vous !".

IB : On n'a pas la même utilité pour notre pays et pour nos proches. Nos politiciens et notre pays sont là pour nous servir. On a tendance, en France, à traiter le président comme un roi, alors qu'il devrait être au service de son peuple.

* : ce qui est compréhensible, vu que pour les garçons la sécurité est un acquis donc ils peuvent se préoccuper de leur liberté.