Imaginales 2019 : ... Les dystopies nous laissent-elles de l'espoir ?

Normatives, étouffantes, brutales...

les dystopies nous laissent-elles de l'espoir ?


Première des conférences auxquelles j'ai assisté. Le sujet n'est pas très gai (comme pour la plupart de celles que j'ai suivies : j'ai pensé que ce serait une bonne inspiration pour la partie "apo" du Journal d'Anya... ainsi qu'un certain reflet de notre actualité... #mondedemerde).

Comme tous les ans, avertissements de rigueur : je retranscris ici les notes que j'ai prises pendant la conf ; il est donc tout à fait possible que j'aie fait des contresens et tout à fait certain qu'il manquera des bouts 😁 (sans parler du côté décousu et de ma difficulté à me relire 😳). Les éventuels commentaires entre [ ] sont de moi, et les passages entre guillemets sont censés être des citations.

Intervenants : Sam J. Miller (La cité de l'orque), Silène Edgar* (Les affamés**), Célia Flaux* (Le cirque interdit) et Sigridur Hagalin Bjornsdottir (L'île).

Modérateur : Jean-Claude Vantroyen.
Traducteurs : Eric Boury et Morgane Saysana.

De gauche à droite : EB, SHB, SE, JCV, CF, SM et MS.

En quoi ce monde est-il terrifiant ?

SHB : Elle a écrit se qui se passerait si l'Islande était totalement coupée du monde extérieur ; ça s'y prête beaucoup, car c'est une ile isolée. Elle a imaginé ce qui arriverait si toute communication internationale disparaissait, y compris Internet, le téléphone... (et on ne sait pas pourquoi : ce n'est pas le but de l'histoire de découvrir la cause). 
Elle est journaliste et a utilisé ce vécu pour imaginer sa dystopie. Elle s'est rendu compte que ce n'était pas que de l'isolation physique, mais aussi un repli sur soi et du nationalisme.

SE : Elle décrit une société hygiéniste. Aujourd'hui, on appelle à une société plus égale ; son livre est du post-révolution, qui tourne à une dictature de la santé. Mais ça coûte cher, donc les gens se doivent d'être "pas trop coûteux" à la société, d'où de la culpabilisation et une injonction à prendre soin de soi pour le bien de la société.

CF : C'est une société de sécurité. Il est interdit de fumer, boire, faire du ski... "parce que c'est pour votre bien". Les gens se trouvent comme dans des cages invisibles.
Le cirque est le seul endroit où on peut voir du risque.

SJM : Il écrit sur l'avenir et le présent. Comme beaucoup d'écrivains de SF, il écrit sur le futur pour éclairer le présent.
Il a bossé et vécu avec des SDF [à New-York, je crois] et a constaté leurs conditions de vie horribles et violentes : de leur point de vue, on est déjà en dystopie [et pas que du leur, j'ai récemment vu encore passer des articles comme quoi le système de soins américain est une catastrophe...].

Les Dystopies ne sont jamais qu'une métaphore de la situation d'aujourd'hui...

CF : Les assurances ont une grande importance. Si on est gros ou sportif extrême, on est à risque, donc on est un potentiel poids pour la société, donc on se met de soi-même dans une cage invisible. Aujourd'hui, on a une mesure du risque, médical ou foncier, en cas de prêt, de logement...

SE : Son héros vient d'une famille de "révolutionnaires" et se décide enfin à observer autour de lui. Il explore comment les lois "positives" d'après la Seconde guerre mondiale ont été dévoyées.

SHB : La dystopie est une technique d'analyse du monde d'aujourd'hui. Il peut être intéressant d'inverser les rôles de la société, de "donner le pouvoir" à ceux qui ne l'ont pas d'habitude. Par exemple, la valeur des gens est supérieure s'ils arrivent à produire de la nourriture ; en conséquence, les profs de langues n'ont plus de valeur, contrairement aux agriculteurs.
Les touristes sont plus ou moins inutiles et coincés là-bas, donc se pose la question de "que faire des inutiles ?".

SJM : Est-ce que la montée des eaux est le plus grand danger ? Il existe beaucoup de dangers, mais le plus grave est plutôt le nationalisme (et le racisme), ce qui est lié aux changements climatiques [avec les réfugiés climatiques, dont le nombre est voué à augmenter dans les décennies à venir 😠]. Le fait que Trump n'y croie pas n'arrange rien. Il faut s'unir pour faire changer les choses.
Il essaie d'imaginer une société "post-américaine" plutôt que post-apocalyptique, un futur très proche, après la disparition des USA. Beaucoup des problèmes du passé ont disparu, mais il en reste, ainsi que de nouveaux qui apparaissent...
Mais il existe toujours des orques et des ours polaires, donc il reste de l'espoir.

Est-ce qu'il nous reste de l'espoir ?

SHB : Il est important de laisser de l'espoir à la fin d'un livre [je suis d'accord à 100% !]. Elle n'a pas conscience d'écrire une dystopie, plutôt une projection de la réalité. Elle pense que les gens d'il y a deux siècles trouveraient que notre société est une dystopie.

SE : Dans ses romans Jeunesse, elle essaie de laisser de l'espoir [et beaucoup moins en adulte, donc 😈]. Ici, elle joue beaucoup avec la thématique de la lumière. On demande tout le temps à son héros d'être utile, mais ce "penser utile" est une défaite de la pensée. Son roman est donc très sombre et pas très optimiste.

CF : Le cirque, c'est l'espoir. Ce sont les seuls qui proposent une alternative au "zéro risque", ils prennent des risques au nom de la beauté, même si derrière, il y a des souffrances.

SJM : Il y a de l'espoir même si ce n'est pas flagrant. Lui-même n'est pas quelqu'un d'optimiste, il est convaincu que les Hommes sont capables du pire comme du meilleur (les nouilles, les livres, les Imaginales... 😁)
Dans son livre, il y a de l'espoir car les méchants sont punis, tués, se font couper les mains. La résistance émerge grâce à l'amour et aux idéaux. Dans la vie réelle, les méchants sont réélus ou prennent une retraite paisible. Lui, il les exécute !

Chez SE, CF (SJM et SHB aussi), les artistes et auteurs sont au coeur de l'histoire. Est-ce que les écrivains sauveront le monde ?

SE : Non, mais ça pose un tapis qui aide les gens à s'en sortir. C'est un maillon essentiel mais c'est un grain de sable.

CF : Il y a les personnages de clowns. La société a un visage souriant, mais rend les gens tristes. Son clown à elle est un peu effrayant, mais il fait rire les gens.

SHB : 10% des gens sont capables d'être des monstres absolus, et 10% sont capables de bonté absolue. Les 80% restants sont entre les deux. La responsabilité des journalistes, c'est de donner la direction à suivre pour ces 80%. Les artistes et écrivains ont ce même genre de responsabilité. Donc oui, la littérature peut sauver le monde.

SJM : Dans son monde, il existe des médias partiaux, inféodés au pouvoir, mais il existe aussi une émission de radio indépendante. Il ne voit pas le DJ comme un écrivain mais plus comme un podcasteur.
Sinon, il pense que les créateurs ont un rôle important, car la vie est dure et triste, et l'art (les livres, les films...) est là pour nous aider à rendre la vie plus agréable. C'est donc une fonction essentielle ou importante. L'art est intrinsèquement lié au militantisme, au changement social, à la lutte.

CF : Elle n'a pas l'impression d'être une lanceuse d'alerte, elle est comme le colibri dans l'incendie : elle fait sa part.

SE : Elle écrit à temps plein depuis deux ans. Elle sent qu'elle a l'obligation de tenir ce rôle. Elle est militante, en donnant aux gens la liberté de lire ce qu'ils veulent, sans autocensure.

SHB : Aucun écrivain islandais n'avait évoqué ce sujet avant elle. Elle a même été convoquée par des banques et par son gouvernement pour approfondir la question (mais elle n'est qu'écrivaine, elle n'a pas pu leur calculer des risques comme ils le demandaient 🙄). Elle espère que son livre aidera les lecteurs à placer une limite entre "nous" et "eux".

Quelle a été la réception par les lecteurs ?

SJM : Il s'intéresse beaucoup à la planification urbaine et s'inquiétait de l'avis d'urbanistes professionnels. Ceux-ci l'ont trouvé très juste et n'ont pas détesté 😁

SE : Elle fait référence à Fortune cookies. Elle espère que Les Affamés ne se réalisera pas.

CF : Elle a écrit son roman après les attentats [de 2015, si je ne me trompe] et a vu les lois qui font passer la sécurité avant la liberté. On lui a aussi fait des références aux Gilets Jaunes.
Elle a peur pour les personnes vulnérables, elle a voulu pousser la logique sécuritaire au maximum, pour donner envie que ça ne se produise pas.

SJM : Beaucoup de ses héros sont LGBTQ, ce qui a eu un bon accueil au sein de cette communauté. Sa première fonction est de distraire, mais aussi d'"empowerer" ses lecteurs. Il écrit des trucs sombres, mais il ne veut pas les déprimer.

SHB : Son premier but n'était pas de distraire, mais de toucher les gens. On peut distraire avec du rire et de la beauté. Elle, elle voulait donner un point de vue aux gens. 

SE : Son héros n'est pas une projection d'elle-même. Il est un peu ambigu, il fait un peu rire.

CF : Elle est très attachée à l'idée de divertissement, mais elle veux quelque chose de plus profond derrière, sinon, c'est creux.




* : les Grenouilles sont partout !

** : que j'avais prévu d'acheter à l'occasion des Imas (chose faite). Les trois autres m'ont fait de l'oeil aussi, ceci dit, mais je me suis retenue... pour le moment.

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