Imaginales 2019 : La nature du mal : sociale, culturelle ou intime ?

La nature du mal : sociale, culturelle ou intime ?


Et pour conclure, un nouveau thème plein de joie et de bonne humeur... 😈

Comme tous les ans, avertissements de rigueur : je retranscris ici les notes que j'ai prises pendant la conf ; il est donc tout à fait possible que j'aie fait des contresens et tout à fait certain qu'il manquera des bouts 😁 (sans parler du côté décousu et de ma difficulté à me relire 😳). Les éventuels commentaires entre [ ] sont de moi, et les passages entre guillemets sont censés être des citations.

Intervenants : Peter V. Brett (série Le cycle des démons), Manon Fargetton (Dix jours avant la fin du monde), Pierre Pevel (série Haut-Royaume) et Rachel Tanner (série Le cycle de Mithra).

Modérateur : Guillaume Teisseire.

Traductrice : Hélène Bury.


De gauche à droite : GT, PP, MF, RT, PVB et HB.


[Pour commencer, GT a fait une petite présentation des intervenants :]

RT : C'est une ex-prof, elle a une formation en histoire et en archéologie. Son roman se passe au VIIIe siècle, dans un monde où le christianisme a disparu, et une autre religion [le culte de Mithra ?] a pris sa place.

MF : Elle écrit pour tous les âges : "je les prends à neuf ans et je ne les lâche plus !".

PP : C'est un ex-scénariste et -journaliste. 

PVB : Dans son univers (une série de 5 tomes, terminée), les démons sortent de terre toute les nuits et s'attaquent aux humains.

Les choses ont évolué depuis le mal absolu à la Sauron, la ligne de partage est plus dure à dessiner. Comme disait Hitchcock, "meilleur est le méchant, meilleur est le film". Avez-vous soigné votre méchant ou est-ce que, au contraire, il n'existe pas ?

PVB : C'est bien quand on sait qui sont les bons et qui sont les méchants, mais dans la vie réelle, ce n'est pas aussi clair que dans Star Wars ou pendant la Seconde guerre mondiale. Dans son roman, il y a deux partis qui combattent les démons : un qui veut l'union des peuples derrière un général, l'autre qui veut que chacun lutte de son côté. Les deux ont le même but, mais s'opposent sur les méthodes, aucun des deux n'est mauvais - ce qui se rapproche des situations réelles.

RT : Les méchants de ses romans sont surtout des prêtres. On lui reproche d'être anticléricale, mais en fait, elle est contre la bureaucratie religieuse [ce qui serait une interprétation adéquate du terme, vu qu'un clerc est aussi l'employé d'un juriste... 😁] et non la religion.
Elle pense que le Mal, c'est de traiter les gens comme des objets [comme l'a aussi dit Terry Pratchett, dans Carpe Jugulum], et c'est ce que la bureaucratie a tendance à faire. La bureaucratie, c'est la force brutale, inéluctable, qui n'a pas besoin de se justifier. Et ça se retrouve assez bien dans les univers de Fantasy.

MF : Elle ne se retrouve pas dans le thème, parce qu'elle n'a pas de Grands Méchants dans ses romans. Elle a des cycles de revanche entre peuples dans certains romans [Les illusions de Sav-Loar, si j'ai bien suivi]. Dans Dix jours avant la fin du monde, les explosions qui menacent la Terre ne sont pas expliquées ; plusieurs hypothèses sont émises, mais elle n'en confirme aucune.
Elle a rarement des personnages intrinsèquement mauvais.

PP : Oui, lui, il soigne son antagoniste. On aime avoir de vrais méchants, et ça pousse à améliorer le héros. Un méchant fort oblige à un héros fort (sinon, le méchant devient plus intéressant que le héros).
Aujourd'hui, en Fantasy, on s'éloigne du Mal Absolu à la Sauron. Chez lui, plus le monde est merveilleux, plus le Méchant est méchant "parce que" ; plus le monde est réaliste, plus le Méchant aura ses raisons. Ce qui est intéressant, c'est de confronter deux personnages opposés, mais qui ont tous les deux raison. Quelque part, même les Nazis voulaient un monde meilleur. Ce qui est terrifiant, car c'est quasiment la définition du fanatisme religieux.

Donc le plus important, c'est ce que le Méchant/l'opposition révèle du héros ?

MF : Ses héros sont des gens ordinaires, sans influence particulière sur leur monde. Les explosions les poussent dans leurs retranchements et poussent les personnages à être eux-mêmes, enfin.

PVB : Ce qui est important, c'est de mettre la pression sur les personnages. Les zombies, démons, etc. ne sont pas intéressants en eux-mêmes ; ce qui est intéressant, c'est comment les personnages réagissent à leurs actions.
Il a vécu le 11 Septembre, et chacun a eu sa réaction : certains ont couru retrouver leur famille, d'autres sont aller aider les secours, certains étaient désemparés, d'autres sont allés se prendre une bière... Ce sont des réactions différentes, qui sont intéressantes à observer - même si tout le monde a eu peur.
C'est la pression qu'on met sur eux qui révèle les personnages, ce qu'ils sont réellement, car notre lien à l'histoire passe par les personnages.

RT : Dans la vraie vie, on n'a pas affaire qu'à des gens plus ou moins mauvais, mais aussi à des systèmes. Les humains appartiennent forcément à des systèmes, mais ces systèmes eux-mêmes peuvent être mauvais et s'opposer les uns aux autres.
Les systèmes sont aveugles, donc inhumains, même si les membres de ces systèmes ne se voient pas comme mauvais.

Parfois, le mal infuse un peu tout. Comment le héros peut-il s'en sortir ?

PP : Les univers en crise sont plus intéressants que ceux où tout va bien. L'intéressant, c'est en effet de voir comment les personnages se révèlent face à la crise. Dans Haut Royaume, il ne voulait pas un seul opposant à ses héros, et chacun a ses motivations plus ou moins bien intentionnées. Ca évite un antagonisme manichéen basique, chose qui manque d'intérêt pour lui.
Ce qui est intéressant, c'est comment Anakin devient Dark Vador, puis comment Dark Vador cesse d'être Dark Vador, mais pas pendant qu'il est Dark Vador.

Cf Nietzsche, quid du "à combattre le mal, on finit par le rejoindre ?

PVB : Dans son premier livre, son héros est consumé par sa lutte contre les démons, il fait des choses d'une moralité douteuse et se retrouve seul dans son combat, car il a tout perdu et tout sacrifié. Finalement, il ne se rappelle plus vraiment pour quoi et pour qui il se bat, mais il ne vit plus que pour se battre. C'est à cause des autres personnages qu'il reprend conscience du pourquoi de sa lutte.
Ce fait de se "perdre" à force d'aller toujours plus loin, on le retrouve dans la vie réelle en politique, où on grignote peu à peu les libertés etc. et on continue parce que si on arrête, ça n'a plus aucun sens.

RT : Sa vision de Rome est très décadente, corrompue, et décrite de façon crue. Une partie du gouvernement est bien intentionnée, mais ils sont susceptibles de se faire contaminer par la corruption ambiante.

PP : Le thème du héros corrompu par sa quête est ancien et intéressant. C'est un des thèmes abordés dans Haut-Royaume. On le retrouve aussi, avec la Raison d'Etat, dans Les Lames du Cardinal, avec un héros qui doit choisir entre obéir ou non à des ordres immoraux, allant à l'encontre de ses propres principes.

La fin du monde révèle souvent le pire des Hommes, mais dans Dix jours avant la fin du monde, il y a un réflexe de fraternité...

MF : Hors des héros, il y a des comportements hostiles, mais ses personnages se "trouvent" et fraternisent. Ils forment quelques instants une famille, une micro-société, hors du temps.


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