Imaginales 2018 : ... Minorités visibles

La fantasy et la SF, c'est aussi...

des minorités visibles !


Petite précision sur cette conférence, qui a été pour moi la plus passionnante de toutes celles auxquelles j'ai assisté lors de ces Imaginales : je me suis permis d'indiquer à quelle minorité appartenaient les intervenants, afin que ceux qui ne les connaissent pas ne soient pas perdus dans leur lecture, j'espère que ça ne blessera personne 😳

Sinon, vous connaissez la routine, blabla, avertissements de rigueur : je retranscris ici les notes que j'ai prises pendant la conf ; il est donc tout à fait possible que j'aie fait des contresens et tout à fait certain qu'il manquera des bouts 😁 (sans parler du côté décousu et de ma difficulté à me relire 😳). Les éventuels commentaires entre [ ] sont de moi, et les passages entre guillemets sont censés être des citations.

Intervenants : Sabrina Calvo* (transgenre), Francis Berthelot (homosexuel), Nnedi Okorafor (noire). Traduction de Morgane Saysana.
Modératrice : Valérie Lawson.

De gauche à droite : VL, SC, FB, NO, MS


Qu'est-ce qui est essentiel pour vous en matière de représentation en SFFF, dans vos romans ou ceux des autres ?

FB : Son premier roman traitait de la persécution des homosexuels dans une galaxie lointaine, c'était très militant et "ça a fait splash" [je suppose que ça veut dire que ça a jeté un pavé dans la mare**, en tout cas, le bouquin a été primé]. Dans ses autres romans, par contre, il n'y avait pas que des personnages homos, même c'était toujours abordé (en n'étant pas forcément le sujet de l'histoire).
Depuis quelques années, il a arrêté d'écrire pour se consacrer à la musique et a composé un ballet qui parle d'un prince qui préfère les hommes et ne veut pas épouser la princesse qu'on lui impose (ce qui aborde plusieurs sujets de transgression).

NO : Quand elle était plus jeune, elle ne lisait pas de SF, parce que c'était "trop froid et trop blanc" (et trop mâle). Il n'y avait rien auquel elle pouvait se rattacher. Quand elle a écrit de la SF, elle l'a fondée sur sa propre culture et son propre peuple (elle a des racines nigérianes), et elle y parle de l’Afrique du futur.

SC : "Je me suis rendue aveugle à moi-même pendant longtemps, le monde ne m'était pas vraiment accessible". Elle a en effet été pas mal refoulée dans son environnement. Ses livres parlent du réapprentissage de sa féminité et sont liés à beaucoup de revendications politiques et de lutte contre les oppressions. En conséquence, ses personnages vivent beaucoup de transformations.

N'y a-t-il pas une norme à bousculer, faire comprendre que ce n'est pas "eux contre nous", qu'on est tous des "nous" ?

NO : Elle ne pense pas aux audiences quand elle écrit. Elle écrit en patois*** sans s'inquiéter de si les lecteurs le comprendront ou non [personnellement, je suis sceptique là-dessus, comme l'ont été les autres intervenants. Après, je n'ai encore rien lu d'elle, c'est peut-être pas si dur à comprendre]. Elle s'attend à ce que le lecteur comprenne. Ce n'est pas son rôle de rendre les choses confortables ou faciles, je préfère parachuter les lecteurs dans mon monde. Et tout le monde est une minorité, à un moment donné.

FB : "Je suis une minorité à moi tout seul".

SC : Elle a eu des éditeurs qui lui ont dit "on ne va pas s'identifier à un perso trans". Ils sont souvent relégués à des rôles secondaires (comme Wanda dans A Game of You, un épisode du Sandman de Neil Gaiman - et un très bon personnage par ailleurs). Elle est la seule trans de son entourage, ce qui lui impose un devoir d'éducation... pour convaincre les gens qu'ils ne doivent pas les tuer ! [car oui, elle s'est pris des menaces du genre "meurs, abomination"... 😱]. C'est fatiguant de devoir se défendre à chaque instant [Son discours a été vraiment très poignant, je regrette de ne pas avoir réussi à tout retranscrire 😳].

N'est-ce pas étonnant que les gens acceptent des univers SFFF et pas la divergence des normes irl ?

NO : Les gens arrivent à s'identifier à des aliens mais ont du mal à en faire autant envers d'autres humains différents. C'est intéressant et c'est peut-être parce que quand c'est humain, ça devient personnel. Elle joue beaucoup avec ça dans ses livres. Son héroïne Binti [je ne crois pas que la série soit traduite en français, et je ne l'ai pas vue (même en VO) aux Imaginales - dommage, parce que ça m'intéressait, je la prendrai sans doute en ebook plus tard 😉] est d'une part la seule Noire de son groupe d'astronautes, et d'autre part une des 2% seulement d'humains de l'université extra-terrestre où elle part étudier. Mais si l'histoire est assez bien racontée, le lecteur s'y intéressera. "Je ne me vois pas comme une minorité, je me vois comme moi-même". Et elle aimerait que les gens la voient comme ça également.

FB : Dans "Les monstres dans la SF" [de Henry Baudin, si je ne me suis pas trompée], il y a deux sortes de monstres : le totalement différent et le presque pareil. Et la deuxième sorte effraie davantage [cf la fameuse "uncanny valley"]. Par contre, il n'aime pas quand le langage et les accents des personnages rendent un texte trop fatiguant à comprendre [cf plus haut 😉].

N'est-on pas tous l'alien de quelqu'un ?

SC : Elle a commencé sa transition depuis peu et veut l'afficher, avec son "côté freak", car elle veut observer la réaction à l'"alien" dans le regard des autres. Lovecraft a d'ailleurs transmis son racisme à ses monstres, en les rendant plus haïssables.

FB : Il a lu un livre de Stéphanie Nicot [une des organisatrices des Imaginales, également trans] sur la transitude : c'est le même problème que les homos dans les années 70, et les Noirs bien avant eux. A vingt ans, il ne voulait pas être homo, mais après trois ans de thérapie, il a décidé que ceux qui n'aimaient pas les homos pouvaient aller se faire foutre.

SC : Il faut arriver à faire comprendre que tout le monde est humain !

Le propre d'un auteur SFFF, n'est-ce pas d'écrire des persos hors-norme ?

NO : Ca peut l'être, mais ce n'est pas indispensable. Elle exprime toute la rage qu'elle peut éprouver dans ses histoires, car sinon elle ne serait pas entendue. La SF peut rendre des choses nouvelles et parler d'un vieux sujet d'une nouvelle manière, triturer les choses juste ce qu'il faut pour que ça "clique" chez le lecteur.

SC : Elle a parlé de la Volte, une maison d'édition dont elle fait partie, très engagée politiquement [c'est celle d'Alain Damasio]. [Encore une fois, son discours était très touchant, et elle a eu le droit, pour terminer la conférence, à une standing ovation****].





* : peut-être plus connue sous le nom de David Calvo. 

** : aucun rapport avec celle des Grenouilles 😛 

*** : pidgin, un genre de créole.

**** : que j'ai éhontément lancée 😎 parce que c'était mérité.

Commentaires

  1. J'espère que je vais être davantage réveillée ce matin xD.
    Merci beaucoup pour ce CR ! La présence de Nnedi Okorafor était la raison qui m'avait donné envie de venir aux Ima, et j'étais super curieuse de ce qu'elle allait dire. Même en tant que métisse, je me retrouve dans certains de ses propos et ça rejoint ce que d'autres auteurs (asiatique-américains par exemple) disent. J'aurai bien voulu savoir ce que les intervenants pensaient côté relation éditeur/minorité, leurs expériences - mais j'imagine que ça aurait trèèèès délicat.

    Nnedi Okorafor utilise des termes ou des expressions, mais je trouve que le contexte permet toujours de comprendre. Par exemple, dans Binti, Binti se passe de l'otjize sur le corps et les cheveux. Je pense que certains peuvent se dire "Quoi ?" en lisant le mot, mais le terme revient plusieurs fois et la description et/ou le choix des mots permettent de comprendre ce dont il s'agit. Quelque part, sa façon de faire suit la logique de 'on a envie de s'intéresser ou non à l'autre'.

    En tout cas, cette conférence semblait intéressante à tous points de vue !!

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