Imaginales 2018 : Toutes ces horreurs...
Toutes ces horreurs dans mes romans...
ce n'est pas moi !
Première des conférences auxquelles j'ai assisté, et un très bon moment de passé 😄 Détail marrant (enfin, pour moi 😳), les questions posées m'ont donné envie d'y répondre à mon tour (mais je ne vous infligerai pas ça 😉*).
Sinon, vous connaissez la routine, blabla, avertissements de rigueur : je retranscris
ici les notes que j'ai prises pendant la conf ; il est donc tout à fait
possible que j'aie fait des contresens et tout à fait certain qu'il
manquera des bouts 😁 (sans parler du côté décousu et de ma difficulté à
me relire 😳). Les éventuels commentaires entre [ ] sont de moi, et les
passages entre guillemets sont censés être des citations.
Intervenants : Charlotte Bousquet (Arachnae), Roxane Dambre** (Animae*** et Scorpi), Carina Rozenfeld (Zalim) et, en bonus, Robin Hobb (L'Assassin Royal), avec Lionel Davoust en traducteur.
Modératrice : Valérie Lawson.
De gauche à droite : LD, RH, CR, RD, VL, CB. |
Quelles sont les pires horreurs que vous avez fait subir à vos persos ?
RD : Faire durer [sur plusieurs tomes, si j'ai bien compris] les préparatifs d'un mariage est-il plus dur que de couper des membres ?
Dans Animae, l'héroïne tue des gens et les faire disparaître, parfois en les mangeant.
Sinon, RD aime coincer ses persos dans des catacombes, les mettre dans des situations embarrassantes, leur faire rencontrer des tueurs à gages...
RH : Elle est plus l'observatrice des évènements que la personne qui les cause. Les personnages ont tendance à s'infliger eux-mêmes des horreurs, et c'est pire que ce qui se passe indépendamment de ça.
CB : Son personnage démantèle une secte pédophile. Quand elle écrit certaines scènes, elle a besoin de les ressentir, donc elle le "vit" elle-même et en est responsable vis-à-vis du perso.
CR : Quand on crée un personnage sombre, on n'imagine pas qu'on a ça en soi, on ne s'en rend compte qu'en écrivant, on ne l'anticipe pas et on se pose la question en le découvrant : "doit-on en parler à un psy ?".
Les personnages ont-ils besoin de subir des horreurs pour grandir ?
RD : S'il n'arrivait rien au héros (ou à ses potes), ce serait ennuyeux.
RH : C'est comme mettre un fer au feu, c'est ce qui nous forge.
CB : Les personnages sont des êtres exceptionnels [je n'aime pas ce terme, car il y a des persos "ordinaires" qui deviennent des héros, j'aurais plutôt dit "singulier" ou un truc du genre], donc ce qui leur arrive est exceptionnel. Mais ça les construit, ça fait partie de la vie et de la vie littéraire.
On dit "ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort", mais aussi "ce qui ne nous tue pas nous fait souhaiter être mort". Quand a-t-on trop d'horreur ?
CR : La limite est celle de l'imagination. Il y a une dizaine d'années, son éditrice lui a dit "on voit que tu es débutante, tu es trop gentille avec tes persos". Plus on écrit, plus on voit que c'est l'auteur qui fixe ses limites et les repousse autant qu'il veut. Comme l'a dit CB, les personnages sont donc capables d'encaisser de façon exceptionnelle.
RD : Elle aimerait pouvoir égorger les emmerdeurs comme sa méchante égorge ses ennemis 😈
CR : On se distance de la morale quand on écrit des choses immorales. Elle aimerait avoir les pouvoirs de Zalim pour ne pas être une victime (si jamais elle était en situation de l'être).
RH : Elle est un prédateur. Elle a récemment tué deux coqs. Elle est carnivore. Elle pratique la chasse (mais ne prend pas plaisir à tuer). Ses personnages sont carnivores, ils tuent sans honte et mangent leurs proies.
Est-ce que vous écrivez des choses que vous ne feriez pas ?
CB : Elle ne tue même pas les moustiques ! Par contre, elle laisserait peut-être mourir quelqu'un si elle le haïssait assez. On a tous de la haine en soi et on s'en sert pour construire ses antagonistes et les sentiments négatifs des personnages. En vrai, elle est un bisounours.
CR : Elle est plutôt "dans la lumière". Pour elle, Zalim est l'expression du démon intérieur et de comment on le gère, si on le laisse s'exprimer ou pas. On peut puiser de la force dedans, mais en restant du côté lumineux.
CB : On grandit en faisant face à la noirceur, ce qui est le contraire de la citation de Nietzsche****.
Cf Mary Shelley [autrice de Frankenstein], est-ce que les femmes ont plus de facilité à observer cette noirceur ?
CR : On laisse plus facilement les hommes exprimer leur violence, c'est peut-être pour ça (c'est une hypothèse) que les femmes analysent plus ce genre de sentiments et les font ressortir autrement.
CB : Dans cette hypothèse, les femmes peuvent explorer leurs propres failles, tandis que les hommes ne "doivent pas" montrer leurs sentiments.
RH : Dans sa culture, les femmes doivent se montrer plus secrètes en ce qui concerne leur violence (elle fait référence à des bandes de filles qui se réunissent dans les toilettes pour "casser" l'une d'entre elles). Cependant, les femmes, en prenant de l'âge, gagnent du pouvoir sur les jeunes hommes [la fameuse "voix de la Maman" 😈]. Tout le monde a de la noirceur en soi, tout le monde a du pouvoir, et chacun choisit comment il les exprime.
RD : L'héroïne de Scorpi s'est fait harceler sexuellement par son chef (ce qui est assez proche d'une situation que RD a vécu elle-même), et RD a imaginé Scorpi pour s'en sortir. Son héroïne se retrouve fiancée à un tueur qui n'arrête pas de lui proposer de tuer ses ennemis (mais elle dit toujours non, parce que ce n'est pas son genre à elle... comme RD irl). Dans le cas de RD, elle s'en est sortie grâce au soutien de sa cheffe, heureusement.
CB : Ce n'est pas toujours pour exorciser quelque chose de vécu, ça peut être pour témoigner ou réagir à un fait divers choquant (viols sur mineurs, tournantes...) que la justice n'a pas traité comme elle l'aurait dû.
Surtout que quand quelque chose arrive à une femme, elle est toujours traitée en coupable bien qu'elle soit la victime [afaik, c'est moins systématique maintenant, mais on entend encore des horreurs du genre "c'est normal que tu te sois fait agresser, tu étais en mini-jupe" 😒].
Est-ce que ça n'aide pas les lecteurs en leur disant "vous pouvez y survivre" ?
RH : Dans un même livre, chaque lecteur lit une histoire différente. Chacun y met beaucoup de lui-même, autant que ce qu'il en retire. Quelquefois, c'est quelque chose que l'auteur n'y a pas mis. Et ils découvrent des choses sur eux-mêmes.
CR : Elle raconte une histoire mais elle ne cherche pas à faire passer un message. Mais c'est important pour elle de parler de choses répressives et de voir ses persos vouloir briser cette répression, ces injustices. C'est une façon d'aborder ces sujets sombres, difficiles, polémiques même si elle n'en est pas victime elle-même irl.
"Toutes ces horreurs, ce n'est pas nous, c'est le monde" ?
CB : Nous faisons partie du monde. Nous avons cette forme de noirceur en nous. Et c'est dur de regarder l'horreur en face et de se dire "comment je peux réagir, lutter contre ça ?".
RH : Elle n'aime pas donner des leçons, surtout délibérément. Nos idées nous viennent du monde autour de nous. Elle raconte des histoires parce qu'elle a des questions, pas des réponses, et les réponses que je trouve à travers mes personnages ne sont pas des absolus.
Pouvez-vous citer des auteurs qui vos inspirent et dont les horreurs sont pires que les vôtres ?
RD : Elle trouve que les trois autres sont pires qu'elle [perso, je ne trouve pas RH si terrible que ça 😉]
CB : Elle trouve que CR est moins sombre qu'elle. Par ailleurs, il n'y pas besoin d'auteurs pour ça, les infos suffisent. Au moins, les romans sont des histoires, ça nous touche mais on peut prendre ses distances.
Il y a des livres d'histoires vraies qu'elle ne peut pas lire, ou pas encore. Mais certains peuvent puiser du réconfort en lisant quelque chose sur quelqu'un qui a vécu quelque chose de dur et s'en est sorti.
Elle a d'ailleurs lu récemment un truc déprimant sur des enfants russes pendant la seconde guerre mondiale et s'est remonté le morale en lisant Draconis de CR, qui parle d'un enfant qui se change en dragon.
RH : Ecrire sur ce genre de choses n'est pas une échappatoire, au contraire, ça la plonge plus profondément dedans.
RD : Les choses trop réelles résonnent trop, c'est trop dur, trop douloureux, d'écrire des choses trop réalistes.
* : surtout que ça donnerait lieu à des spoilers, ce qui serait mal venu pour des bouquins pas encore publiés 😈
** : les Grenouilles sont partout 😈
*** : que j'ai acheté, ça faisait un moment que je voulais tester.
**** : il en existe plusieurs versions, celle que je connais (merci Watchmen) est "ne combat pas les monstres ou tu deviendras monstre, et si tu regardes au fond de l'abîme, l'abîme aussi regarde en toi".
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