Cinquante nuances de Jardinage

Non, je ne vais pas parler d'érotisme, ni de botanique appliquée ; il s'agit simplement des deux grandes manières d'écrire un roman :


Je crois qu'il y a deux types d'écrivains, les architectes et les jardiniers. Les premiers planifient tout à l'avance, comme un architecte qui construit une maison. Ils savent combien de pièces il y aura, comment sera le toit, où passeront les câbles, quelle sorte de plomberie il y aura. Ils ont le concept et les plans de tout le truc avant même de clouer la première planche. Les jardiniers, eux, creusent un trou, y plantent une graine et arrosent. Ils savent en gros de quel type de graine il s'agit : une graine de thriller, ou de roman de fantasy, ou autre. Mais quand la plante fait surface et qu'ils l'arrosent, ils ne savent pas combien de branches elle aura, ils le sauront au fur et à mesure qu'elle pousse. Et je suis bien plus jardinier qu'architecte.*


La division Jardinier/Architecte est celle qui m'est la plus familière en termes de vocabulaire, mais on trouve aussi Pantser/Planner** (terminologie employée notamment par le NaNoWriMo) ou plus simplement Scriptural/Structurel.***

En gros, le premier écrit son histoire au fur et à mesure et se laisse guider par son inspiration et ses personnages, tandis que le second commence par bâtir son intrigue, placer ses rebondissements, allant parfois même jusqu'à un découpage précis scène par scène (j'en connais au moins un 😉) avant de taper la moindre ligne.

Personnellement, je suis plutôt Jardinière. J'ai une idée plus ou moins précise de là où je vais, ou d'un but à atteindre, mais je me dis fréquemment "tiens, et là, s'il se passait ça ?" et je pars dans la direction en question. Gabriel Katz, lui****, ne planifie que les grandes étapes de son intrigue et laisse son inspiration combler les blancs - il compare ça à un squelette de poisson auquel il rajouterait la chair : la tête et la queue sont le début et la fin, les arêtes représentant les rebondissements notables.

Image trouvée sur Pixabay

Cette façon de voir me fait penser à certains auteurs qui se définissent comme "Paysagistes", autrement dit, qui "planifient leur jardin" 😉

Ma collègue grenouille LaCath a fait la remarque intéressante que la grosse différence entre les deux méthodes de base était que les Architectes planifiaient en amont tandis que les Jardiniers le faisaient en aval. D'une certaine façon, ces derniers construisent l'univers de leur roman au fur et à mesure qu'ils le découvrent. Ce qui n'empêche pas un travail parallèle***** sur le monde en question. Et ça ne veut pas dire non plus que le premier jet d'un Architecte sera plus "propre" que celui d'un Jardinier, même si j'imagine que les défauts de structure seront plus vite apparents chez le premier que chez le second. Dans tous les cas, les corrections rectifieront le tir 😈

Par ailleurs, j'ai entendu plusieurs Jardiniers craindre de se sentir bridés par trop de planification au sens où ils perdraient l'envie de rédiger l'histoire, puisqu'ils la connaîtraient déjà. Je n'ai pas eu l'occasion de tester, mais j'avoue avoir eu parfois l'envie de réécrire telle ou telle nouvelle que j'ai lue, dont j'appréciais le fond mais pas la forme, donc...

J'admets que j'envie les Architectes, qui semblent toujours savoir où ils vont ; personnellement, je suis incapable de "voir" à l'avance toute une histoire. J'ai la tête et parfois (mais pas toujours) la queue du poisson, et j'avance d’arête en arête, découvrant le plus souvent la suivante quand j'en ai atteint une. J'ai voulu essayer une fois la "méthode du flocon" mais en vain : c'est un truc d'Architecte (encore que ce ne soit pas une étape obligatoire, je pense), et ça demande de se triturer les méninges pour prévoir à l'avance tout les rebondissements avant de coucher le moindre mot sur le clavier... 😨

Par contre, en tant que Jardinière, j'apprécie de pouvoir laisser de la place à l'inspiration, de pouvoir me dire "je viens d'avoir cette idée horrible, et si je l'intégrais à mon histoire ?" 😈

Et vous, où vous situez-vous ?



* : traduction de moi-même - citation trouvée sur Goodreads.

** : "enfilant son pantalon"/"planificateur".

*** : Stephen King, lui, se définit comme "archéologue", qui "déterre" son histoire et découvre au fur et à mesure à quoi elle ressemble - ce qui est une autre définition du Jardinage 😉

**** : qui nous a parlé de son parcours à l'occasion d'une rencontre organisée par Cocyclics (et dont il faudrait que je fasse un CR un jour 😳).

***** : voir aussi sur le blog ma tentative de world quizz pour le JdA et la conférence "création d'univers", ainsi que ce world quizz (fantasy) d'Alex Evans.

Commentaires

  1. C'est l'éternel débat et ça me fascine toujours autant de découvrir comment les gens travaillent. (D'ailleurs, je crois qu'on a lu le même topic sur ce sujet dans la mare, puisque je me rappelle de la contribution de laCath)
    Je me croyais architecte car j'avais planifié mon histoire chapitre par chapitre, mais au fil de l'écriture, je me suis aperçu que j'avais parfois des envies de jardinage. Donc j'ai intégré à mon histoire pas mal de trucs qui ne me sont venus que pendant l'écriture. La limite étant quand même que je reste à peu près dans les clous que je me suis fixé lors du travail en amont.
    Du coup, sur le spectre "jardinier"-"architecte", je suis entre les deux, mais plus du côté architecte ^^

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