CocyConv 15 : "Le Cycle, et après ?"

Comme je le disais mardi, ce week-end, j'étais à la CocyConv* et j'ai (entre autres) assisté à une conférence très intéressante sur ce qui se passe "après le Cycle", autrement dit, quand un roman est prêt à être envoyé aux éditeurs.
Parce que les Grenouilles peuvent être des créatures timides, les noms ont été changés, et j'ai un peu paraphrasé. Les remarques entre [] sont de moi ^^ Je n'ai pas toujours noté les questions, vu que la discussion s'enchaînait souvent naturellement d'un sujet à l'autre.

((c) Hatsh)



Un petit rappel pour commencer : lorsqu'une Grenouille fait passer un Cycle à son roman, ça se passe en quatre phases :
  1. on lui signale les points qui mériteraient des corrections de fond, ainsi que quelques "grosses" corrections de forme (comme l'orthographe).
  2. la Grenouille corrige en fonction des remarques de la phase 1.
  3. on lui fait une bêta-lecture détaillée, chapitre par chapitre, de cette "nouvelle version".
  4. la Grenouille corrige en fonction des remarques de la phase 3.
Il existe aussi un "cycle têtard", qui comprend des éléments des phases 1 et 3 du Cycle, pour les romans qui ne sont à priori pas prêts pour un vrai Cycle.

Après, si tout va bien, le bébé est prêt ! De plus, Cocyclics envoie régulièrement une newsletter aux éditeurs, pour leur signaler lorsqu'un roman a fini son Cycle et est "disponible" pour qu'ils s'y intéressent.

Isabelle : Pour Roman_A, mon Cycle a duré six mois, la phase 1 a été une grosse claque ! Mais je n'ai jamais eu de saturation.

Alexandre : Je suis d'abord passé en Têtard, puis en Cycle, ça a duré un an et demi. J'aime réécrire et tout refaire, donc je n'ai pas eu de problème en phases 1-2, mais ça a été plus dur avec les phases 3-4 car je me suis mis à saturer.

Isabelle : J'étais très optimiste pour Roman_A et j'ai reçu très vite des réponses des éditeurs (je l'avais envoyé à quinze maisons d'édition). J'ai horreur de ça [les envois]. J'ai eu beaucoup de refus et même quand ce sont des refus détaillés, ça reste des refus, donc c'est dur. Cependant, il suffit d'un oui...
J'avais fait le Speed-Dating en 2014, mais ça s'était mal passé (un des éditeurs n'a pas donné de suite et un autre a changé de ligne éditoriale). Et c'est déprimant, de ne pas avoir de réponse du tout.
Je n'avais pas envoyé Roman_A à Editeur_A tout de suite, je l'ai fait cinq mois après la fin du Cycle ; après neuf mois d'attente, j'ai eu un "ça me plaît mais..." En tout, j'ai attendu quatorze mois pour ce oui.

Alexandre : J'ai fait le Speed-Dating en 2013, pendant la phase 3 de Roman_C. Je n'ai jamais eu de nouvelles d'un des éditeurs, mais un autre m'a fait une réponse positive pour un autre projet.
Sinon, suite à la newsletter Cocyclics, des éditeurs jeunesse ont réclamé Roman_C... puis l'ont refusé, puisque ce n'était pas du jeunesse... J'ai eu aussi une réponse d'une autre maison d'édition, qui aurait pu, mais a finalement refusé.
Je suis ensuite passé aux soumissions papier - puisque je n'avais soumis qu'en numérique, jusqu'ici, avant d'avoir une réponse positive d'Editeur_C

Question : Comment se sont passées les corrections éditoriales ?

Isabelle : Avec Editeur_A, que des corrections de fond, assez importantes, car "ça ronronnait trop vers le milieu du livre". Ca n'a pas été simple. Par contre, ils ne m'ont fait aucune correction de forme.
Avec Editeur_B, chez qui j'ai publié Roman_B, on ne m'a demandé que de tous petits détails. Ils ont été très très délicats dans leurs demandes, mais très très pointilleux sur les corrections de forme : il y avait au moins trois corrections par page ! Aussi, ils sont très directifs et suggèrent beaucoup, dans leurs corrections [contrairement aux bêta-lectures de Cocyclics où on dira plutôt, par exemple, "trouve un meilleur mot" que "utilise tel mot"].

Alexandre : Quand j'ai publié Roman_D chez Editeur_D1 et Editeur_D2 [publication simultanée, l'un ne faisant que du numérique, l'autre, que du papier], j'ai eu beaucoup de corrections de forme de la part de Editeur_D1 (trois par page) et une seule correction de fond, de la part d'Editeur_D2, sur un détail.
Avec Editeur_C, pas de corrections de fond mais dix corrections de forme par page ! Il y a eu deux phases de correction, qui ont pris un mois, et je saturais beaucoup.
Sinon, mon contrat d'édition a été envoyé assez vite [dix mois avant la publication effective, quatre avant les corrections]. Je n'ai pas eu l'opportunité de négocier dessus, mais je n'en ai pas eu besoin.

Isabelle : J'étais sous contrat quand j'ai fait les corrections pour Editeur_B, mais pas avec Editeur_A, et c'était anxiogène.

Alexandre : L'éditeur veut un produit cool et vendable. C'est à ça que sert la direction littéraire, c'est pour ça qu'il oriente le texte.

Isabelle : Le responsable de chez Editeur_A cache beaucoup ses émotions, ce qui met sur la réserve [je confirme !]. Chez Editeur_B, ils sont beaucoup plus spontanés. Néanmoins, quand Editeur_A a fait une réunion de comm, Responsable_A était beaucoup plus détendu et rieur.
[A propos de la communication] Editeur_A m'a demandé à quels salons je voulais aller. Ils envoient des SP** a beaucoup de monde, font gagner des livres à diverses grosses communautés de lecteurs sur Internet (ce qui fait que leurs livres sont très chroniqués) et présentent leurs auteurs aux prix littéraires.
Editeur_B, par contre, s'en fout un peu des prix et des salons : ils misent surtout sur les libraires, car ils ont un très très bon réseau de diffusion.
Dans les deux cas, il y a une réunion avec les commerciaux, pour la diffusion : c'est soit l'auteur (comme chez Editeur_B) soit l'éditeur (comme chez Editeur_A) qui va défendre le bouquin et convaincre les commerciaux/diffuseurs. Ces réunions sont très conviviales.

Alexandre : Editeur_C et le groupe dont il fait partie font des SP et des catalogues mais sont assez peu présent sur Internet, en matière de communication. Sinon, à partir du moment où on devient "un auteur de la maison", l'ambiance devient plus détendue et on aborde plus facilement les problèmes de l'Edition. On a un peu l'impression de se retrouver dans un monde où tout le monde se connaît.

Question : Comment se fait le choix de la couverture ?

Isabelle : Je n'ai pas eu le choix de l'illustrateur, ni pour Roman_A, ni pour Roman_B. Dans les deux cas, on m'a demandé d'expliquer, en une page, les idées que j'avais pour la couverture, à quoi ressemblaient les personnages... (Pour Roman_A, l'illustrateur n'a pas suivi les suggestions... mais le résultat était magnifique).

Alexandre : J'ai eu le choix entre une quinzaine d'illustrations. Avec mon éditeur, nous avons réduit à deux, puis il a eu le dernier mot.

Question : Comment ça se passe pour les futurs autres romans ?

Isabelle : Editeur_B a beaucoup insisté pour qu'il y ait un tome 2 à Roman_B, mais je ne voulais pas. Je vais sûrement publier un second roman chez eux... mais ce sera autre chose.
Avec l'expérience, je connais bien, maintenant, la ligne éditoriale de Editeur_A et Editeur_B, donc je peux mieux cibler, orienter ce que j'écris dans cette optique.

Alexandre : On m'a demandé d'autres pitches, et j'ai ainsi commencé à travailler sur un syno de Fantasy Urbaine.

Isabelle : Je me sens sur la sellette, je ne suis pas sûre que mes autres textes soient pris chez Editeur_A ou Editeur_B, même quand il existe une clause de préférence*** dans le contrat (ce n'est pas le cas pour moi : il y en avait une mais je l'ai fait retirer).
Les autres auteurs que je connais m'ont conseillé de ne pas "mettre tous les oeufs dans le même panier" en publiant tout chez le même éditeur, même si c'est cool de faire partie d'une écurie.

Alexandre : Je n'ai pas de clause d'exclusivité, mais on m'a demandé de "ne pas aller voir chez les amateurs". Editeur_C se définit lui-même comme possessif. Si on y réfléchit, ce n'est pas surprenant, l'éditeur prend des risques pour nous.

Isabelle : Il y a toujours le risque de se fâcher avec l'éditeur, ce qui peut poser des problèmes plus tard.

Question : Comment s'est passé votre premier salon ?

Isabelle : C'était les Imaginales, et j'étais terrifiée [perso, je trouve que ça ne s'est pas vu !]. J'avais peur d'être à côté d'un "gros" auteur, dont la file d'attente allait me cacher. En fait, ça n'a pas trop été le cas. De plus, aux Ima', c'est un public de passionnés. Tous titres confondus, j'ai vendu cent livres sur les quatre jours du salon.

Alexandre : Mon premier a été le Salon du Livre de Paris - j'en profite pour rappeler que quand on est sur un stand, il faut avoir préparé un pitch du roman qu'on vend ! Ca s'est super bien passé, j'ai tout vendu (quatre-vingt livres ?). Et pendant que les gens attendent pour un autre auteur, ils s'intéressent à ton bouquin [Isabelle confirme]. De plus, on a aussi des discussions intéressantes avec les auteurs qui sont à côté de nous.
Le second a été Trolls & Légendes. Là, par contre, entre la proximité du Naheulband et les démos de jonglage, l'accès à mon stand était difficile. Bon, c'était fun, mais j'ai fait moins de ventes. Et le salon fait un peu "usine".
Le troisième était les Imaginales : très décontracté, un bon public.
En salon, on a de (bons) retours, c'est cool - même si c'est un peu répétitif.

Isabelle : Quand il y a des conférences, le modérateur influe beaucoup. Je suis souvent intimidée quand il y a des auteurs plus confirmés que moi.

Alexandre : C'est un peu pareil pour moi, c'est bien d'avoir un bon modo même quand le sujet est bateau (et c'est pas cool quand on ne fait que parler du roman plutôt que du thème de la conférence).

Isabelle : Aux Imaginales, tu interviens sur des sujets imposés que tu ne choisis pas (et tu ne choisis pas non plus les horaires).

Alexandre : Quand on est invité sur un salon, "tout" est payé : le trajet, l'hôtel... On a des tickets-resto pour les repas, voire on se fait offrir le resto.

Question : Quid d'une traduction de vos oeuvres ?

Isabelle : Ca n'a été évoqué pour aucun des deux romans.

Alexandre : Editeur_C a des agents pour des publications en anglais. Ils m'ont demandé de bosser sur un synopsis en anglais, puisque je suis bilingue.

[Tous les deux pensent qu'être passés par Cocyclics (et le Cycle) les a préparés aux corrections éditoriales.]

Alexandre : Pour les corrections, il faut choisir ses "combats", savoir choisir quoi défendre et quoi abandonner. J'avais parfois l'impression que mon directeur littéraire connaissait mieux mon roman que moi. Du coup, j'ai accepté presque toutes ses corrections.

Isabelle : J'ai tout accepté, pour les deux romans, parce que tout me semblait pertinent, même avec du recul.

Alexandre : J'ai dû un peu négocier pour Roman_D pour que les deux versions [la papier et la numérique, publiées chez deux éditeurs différents, je rappelle] soient identiques. Le tirage [de Roman_C] a été de deux mille exemplaires.

Isabelle : Pour Roman_B, il a été de plus de quatre mille cinq cent exemplaires.

Question [de moi ^^] : Que pensez-vous du piratage ?****

Alexandre : Comme on dit, "j'aimerais être piraté, ça veut dire que j'ai du succès".

Isabelle : Je pense à peu près pareil ; j'ai déjà lu des livres piratés, je me sens mal placée pour protester.




* : se référer à l'article en lien pour d'éventuelles références aux termes grenouillesques employés ^^

** : Service Presse : des exemplaires offerts à divers médias et chroniqueurs en échange de la publication de leur avis.

*** : ce qui veut dire, à peu près "si j'écris un autre roman, je vous le propose en premier". 

**** : cf cet excellent article de la non moins excellente Jeanne-A Debats.

Commentaires

  1. Merci Crazy ! Quand on n'a pas pu y assister, ce genre de compte-rendu de conf' est très précieux !

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  2. Je n'y ai pas assisté non plus et ce compte-rendu est vraiment extra. Merci beaucoup d'avoir pris le temps !

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