Stephen King : Ecriture...

Ecriture, Mémoires d'un métier


J'ai commencé par celui-ci parce que c'est l'un des plus faciles à lire, vu qu'il ne se présente pas comme un manuel mais comme un récit d'expérience. 

Quelques remarques préliminaires : 
  • ce que je raconte ici ne vous dispense pas d'acquérir le bouquin - surtout qu'il vaut la peine d'être lu. J'ai juste essayé de faire une synthèse des conseils qui y sont donnés et que j'ai trouvés pertinents.
  • à ce propos, certains ne sont pas forcément adaptés à l'écriture en Français ou à la situation éditoriale en France - si je le souligne, je ne m'attarde pas dessus.
  • mon exemplaire est paru en 2000. Je ne sais pas s'il en existe une version mise à jour, mais au cas où, je le précise 😉


Préparations


Avant toute chose, il faut se constituer sa "boîte à outils" d'écrivain [le terme est de lui], notamment grâce à la maîtrise de la grammaire et à notre vocabulaire. Comme beaucoup d'autres auteurs, il recommande de lire beaucoup... mais aussi d'écrire beaucoup [j'en ai parlé ailleurs : l'importance de la régularité...].
Pour ce qui est du style, il recommande d'éviter les adverbes [en Français, c'est plutôt ceux en -ment] et la voie passive [ça nuit au rythme]. Et afin de garder les choses claires, il recommande une idée par paragraphe, pas plus.
Tous les outils sont utilisables, du moment que "ça marche".
Le symbolisme, en particulier, peut être volontaire, mais peut aussi apparaître spontanément [inconsciemment de la part de l'auteur], comme dans Carrie.

Bien sûr, ce ne sont pas des règles immuables et on peut s'en affranchir... à condition que ce soit bien fait ! [et je rajouterai : à condition de bien connaître les règles en question 😈].

En ce qui concerne l'environnement de travail, il faut bien sûr éviter les distractions et "écrire la porte fermée", non seulement pour éviter d'être dérangé, mais aussi pour ne pas risquer d'être influencé [au sens "être amené à se poser des questions sur son texte"] avant d'avoir fini.
Si tout se passe bien, on peut alors écrire sereinement mille à deux mille mots par jour [c'est à peu près le quota préconisé par le NaNo, mais je trouve ça énorme - enfin, sauf peut-être pour quelqu'un qui écrit à temps plein 😈].

L'histoire


Il est très important de "dire la vérité" au lecteur [au sens "ne pas essayer de l'embobiner"], ce qui est plus facile quand on parle de quelque chose qu'on connaît [et d'où l'intérêt de bien se renseigner quand on traite d'un sujet qu'on maîtrise mal].

A ce propos, l'histoire doit passer avant les recherches que doit faire l'auteur, et même si les détails techniques sont importants [et qu'il vaut mieux ne pas se tromper dessus !] il ne faut pas que ça rende les choses barbantes [je pense là au courant "hard science" en SF 😈] ni que ça passe au premier plan.

King fonctionne en Jardinier et a tendance à faire partir l'histoire de ses personnages, et non d'une intrigue elle-même [j'ai tendance à faire pareil 😉]. "Une situation forte rend l'intrigue caduque". Néanmoins, ce sont les personnages qui doivent cornaquer l'histoire, sachant que chacun est un protagoniste [au sens "le héros de sa propre histoire"]. Ils doivent cependant rester cohérents avec eux-mêmes, "et si c'est bien fait, ils feront des choses d'eux-mêmes".

Pour ce qui est des descriptions, il conseille d'évoquer plutôt que de trop décrire, éventuellement à l'aide de comparaisons bien senties. Tout cela afin de créer une ambiance et de laisser le lecteur créer lui-même son image mentale à partir de ce que l'auteur lui a fourni. Quant aux dialogues, cf plus haut, il faut qu'ils sonnent vrai avant toute chose, et tant pis s'ils sont truffés de jurons [ou de répétitions, dans mon cas 😁].
Il est donc évidemment partisan du "show, don't tell" ["montrez, ne déclarez pas"].

En ce qui concerne les personnages, il trouve plus facile de rendre un personnage vivant et crédible quand celui-ci présente des traits extrêmes (à priori, un méchant), par rapport à quelqu'un d'ordinaire et/ou de sain d'esprit (un héros). 

La thématique de l'histoire n'est pas forcément apparente dès le premier jet, et c'est "mieux" quand on peut resserrer tout le livre autour d'un même thème.
En revanche, il déconseille de partir d'un thème pour écrire une histoire, ce qui rendra le résultat mauvais [et sans doute moralisateur] [je pense que les nouvelles sont une exception, bien que ce soit plus une question de sujet et non de thème].

"Le King" n'est pas non plus immunisé au syndrome de la page blanche, notamment après avoir rédigé plusieurs centaines de pages de ce qui deviendrait Le Fléau. Après plusieurs semaines passées à "s'ennuyer en se promenant", il a fini par trouver où était le problème et comment se débloquer : ses personnages préféraient leur confort à leur quête, il leur a donc donné des motivations supplémentaires pour s'y remettre (en sacrifiant un personnage principal 😱). C'est d'ailleurs ce problème de page blanche qui a permis à la thématique de l'histoire de "sortir".

Les corrections


Comme dit plus haut, Stephen King conseille un travail 100% solitaire pour l'écriture du premier jet, avec seulement le minimum de vérification de cohérence : les louanges et les critiques reçues pendant cette période peuvent vous donner plus envie de plaire à un public que d'avancer. Ensuite seulement, on peut se permettre de faire lire ce "brouillon" [le terme est de lui] à une poignée de lecteurs triés sur le volet, de prendre quelques jours de congé... et de commencer un autre projet (de préférence court). Ca laissera quelques semaines (au moins six) de repos au manuscrit, le temps de l'avoir un peu oublié [pour ma part, il faut au moins six mois, voir davantage ! 😱]. Ensuite, on peut passer à la relecture, de préférence en une seule fois :
  1. Corrections orthographiques et grammaticales, ainsi que les incohérences et autres défauts de l'intrigue
  2. Bêta-lecture par une poignée (entre quatre et huit) de lecteurs bien choisis. On a souvent autant d'avis que de lecteurs, mais l'important, c'est là où tout le monde est d'accord (que ce soit en bien ou en mal) [d'où l'intérêt de communautés comme Cocyclics 😉].
Quant à la peur de devoir écrire pour plaire à un public, n'oubliez pas qu'il y a une différence entre un "public" anonyme et "le public bien particulier de vos bêta-lecteurs", lesquels vous aimez et respectez. Ecrire pour leur plaire à eux n'est pas forcément mauvais.

En ce qui concerne le rythme de l'histoire, il n'est pas nécessaire que ce soit trépidant, mais il ne faut pas hésiter à se montrer concis et à "laisser tomber les parties barbantes". Il n'est pas très fan des introductions "in media res" ["au milieu des choses", quand on nous présente un personnage pour la première fois alors qu'il est en pleine action], parce que ça implique très souvent des flash-backs. Il évoque aussi ce qu'il appelle le "contexte" [je pense qu'il s'agit d'un faux ami dans la traduction : King a l'air de définir ça comme ce que j'appelle le "background" ou l'historique d'un personnage] et le fait qu'il vaut mieux le restreindre à ce qui est intéressant pour le lecteur [même si ce n'est pas mal pour l'auteur d'approfondir au-delà, quitte à ne pas tout utiliser dans l'histoire : ça se "sent" quand même à la lecture, et c'est un bien].

Divers


King a quelques idées préconçues sur les ateliers d'écriture et autres communautés d'écrivains (sachant qu'il n'y a jamais participé). Sa seule expérience en la matière, à l'adolescence, s'est faite dans un cadre où personne n'osait présenter sa production, de peur de la "concurrence". Il a peur qu'un auteur s'y retrouve bloqué par le "il faut que j'écrive", et aussi d'une certaine ambiance de masturbation intellectuelle entre les participants [je n'ai jamais fait de véritable atelier d'écriture, et j'ai aussi un peu peur d'y être bloquée par l'"obligation" d'écrire, mais j'apprécie les rencontres faites en salon ou ailleurs, avec des auteurs confirmés ou non, Grenouilles ou non, pour parler des projets, questions et difficultés de chacun].

En ce qui concerne la soumission aux éditeurs, presque tous ses conseils ne sont pas adaptés à la situation française, vu que rares sont les auteurs qui utilisent les services d'un agent littéraire [alors que c'est presque obligatoire aux USA]. Pareil en ce qui concerne les nouvelles : là-bas, les revues les achètent et ça peut être une porte d'entrée chez un éditeur ; ici, ça peut éventuellement vous faire connaître au sein de la communauté, mais la rémunération est rare et se limite en général à quelques exemplaires de l'anthologie dans laquelle votre histoire est publiée].

Il reste quelques généralités, comme ne pas envoyer de Fantasy à un éditeur spécialisé en SF (et réciproquement), et obéir aux règles de présentation demandées pour les soumissions de manuscrits.


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